Un groupe au bord de la falaise, le vent, les mouettes, un beau jour pour mourir. En magnifique 5.1 et avec l'impression d'y être.

Note globale


Pas de DTS

Editeur : Sony Music Video
Durée totale : 1 h 13

- (PCM)

Image        PAL

Timeline du groupe
Discographie
Master digital (c'est marqué sur la jaquette. Parce que d'habitude les DVD sont gravés par des nains philippins à l'aide de plumes de cacatoès diabétiques)

La définition est de la bonne vidéo, le mauve est dégueu, alors pourquoi mettre huit ? Pour la réalisation exceptionnellement respectueuse de l'ambiance du plateau. Le réalisateur a bien compris qu'il tenait un morceau d'histoire dans ses mains et ne l'a pas salopé comme certains l'auraient fait.
Comme souvent on a droit à une chaleur de son et une spatialisation des cordes assez phénoménales, il manque juste un poil de propreté par rapport au Nirvana ou au Pearl Jam. Le chant est parfois peu mis en avant mais il m'est impossible de considérer cela comme un défaut technique.
C'est sûr que la setlist en tant que revisite acoustique est un peu chochotte, mais justement c'était une des principales essences du groupe. Pour le reste, les musiciens sont d'une sobriété épatante et la prestation du chanteur est à donner des frissons, et pas que de plaisir.
Une discographie moche et une timeline itou. Ca méritait mieux mais une interview rétrospective de Layne Staley était compliquée, il est très pris en ce moment.

La solitude est peut-être bien la plus grave maladie de ces cinquante dernières années. Elle ronge le corps et l'âme tel un létal poison, vous détruit un homme de l'intérieur, le fait tournoyer dans une spirale dont il ne peut pas voir le bout. Pas de rémission, pas de lueurs à l'horizon, et pire, pas de sentence définitive comme d'autres horribles maladies ont au moins la décence de délivrer. La solitude est bien plus sournoise, en ce sens qu'on ne peut pas la dépister, et encore moins la guérir. Car on peut être entouré, très entouré, bien entouré, et se sentir seul, irrémédiablement seul, à la bordure du désert affectif, avec si peu d'énergie dans le coeur qu'il n'en reste même pas assez pour l'espoir. C'est probablement ce qui s'est passé ce soir du 10 avril 1996 lorsque Layne Staley a rejoint ses compères d'Alice in Chains sur le plateau de MTV, avec la démarche du condamné allant à la potence.
Pour pleinement apprécier ce live à sa juste valeur, et pas seulement musicalement, il faut se replacer dans le contexte. Associés à la vague grunge car ils habitaient Seattle et portaient des fringues moches, les Alice In Chains connurent une ascension fulgurante dès leur second album, et leur succès fut rapidement fatal à leur chanteur, le frêle Layne Staley, à la voix d'or et au spleen débordant. Il tomba rapidement dans l'héroïne. Les pauses du groupe, et sa décision de ne plus tourner ne changèrent rien, et en 1996, après leur troisième album et trois ans sans concert, Alice était encore enchaîné ; le quartet décida alors d'accepter enfin la proposition de MTV de faire un unplugged. Décision facilitée par le succès et la qualité éblouissante de leurs deux EP semi-acoustiques, Sap et Jar of Flies.
Et tout comme pour leurs amis de Pearl Jam, AiC délivrèrent un unplugged excellent en tous points. D'abord, la qualité des chansons est intouchable : les chansons déjà acoustiques passent parfaitement (ah ! ce Got me Wrong !), et les électriques ont été très bien remaniées par un Jerry Cantrell maître à bord et plutôt à l'aise (bien que fortement préoccupé par l'étincelle qui pourrait faire exploser son chanteur). A ses côtés, un second guitariste l'épaule de façon parfaite pour alterner riffs lents et solos mélodiques. Sean Kinney à la batterie est impeccable, n'en faisant jamais trop, et le beau Mike Inez (qu'est-ce qu'il fout dans un groupe de rock, ce top model-là ?) met tout le monde par terre avec un son de basse plus rond et plus chaud qu'une séraphine de maison close. Ca joue bien, sans aucune prétention, simplement, mais avec coeur et implication.
Et au milieu de tout cela, et d'un public enthousiaste et à moitié composé de leurs amis et proches, perché sur un tabouret, le regard sur ses chaussures, baigné d'une lumière irréelle, le petit corps recroquevillé et immobile, les cheveux roses en guise d'ultime bouée de sauvetage égotique, Layne Staley meurt. Il est dans un cocon, admiré, adulé, soutenu, mais il est en train de crever de solitude. Jamais on n'a vu sur petit écran un artiste hurler sa détresse aussi silencieusement. Oubliez Cobain, qui en bonne épave carbonisée montrait ses si courtes limites ; le voilà, le vrai martyr de la scène U.S. des années 90 ; le voilà, le vrai oublié, l'artiste maudit, la véritable victime de la drogue et des médias ; la voilà, la rock star que nul ne pouvait sauver, ni lui ni personne, et qui le savait, bien des années à l'avance. Cobain avait une femme, une fille et une jolie liberté artistique, il a préféré en finir devenant par là même une icône, une légende. Staley, lui, est mort d'une sale overdose, comme un chien, dans son 2 pièces miteux. Son corps a été découvert deux semaines après sa mort. Deux semaines. Une icône générationnelle qui a vendu 20 millions de disques. Dernière étape d'une lente désincarnation. Et pourtant...

Et pourtant Staley délivre une prestation impeccable de A à... disons X. Sa voix est très fluette, si tant que l'ingé son n'a pas pu le pousser un seul cran au-dessus sous peine de tout carboniser. Mais son timbre et sa justesse sont intacts, aussi envoûtants que sur album, abusant sans vergogne des contre-chants et harmonies destructurées avec son pote Cantrell, recréant même en acoustique cet esprit malsain qui hante chaque chanson. Les choeurs morbides ont toujours été au coeur du groupe, et les retrouver aussi parfaits avec un chanteur dans cet état tient du miracle. La setlist peut sembler un peu facile car la moitié des chansons était déjà en configuration non-metal, mais l'enquillement de superbes titres force le respect. L'image possède en outre une réalisation de très bonne facture, ouatée, en harmonie avec la musique et respectueuse de l'ambiance si particulière. Enfin, comme souvent, le 5.1 proposé est très propre et spatialise les guitares, leur donnant bien plus d'espace. En tout, un petit DVD qui ne paie pas de mine extérieurement, mais qui se révèle un grand moment musical, intimiste, souvent beau, et de la plus impressionnante sobriété. Une belle sortie de scène pour le pauvre Layne, et une émission de télé qui décidément s'accomode bien de notre support préféré.


22-09-2010

10 avril 1996 - MTV Studios (New York, U.S.A.)


01. Nutshell
02. Brother
03. No excuses
04. Sludge factory
05. Down in a hole
06. Angry chair
07. Rooster
08. Got me wrong
09. Heaven beside you
10. Would ?
11. Frogs
12. Over now
13. The killer is me


Layne Staley, Jerry Cantrell - Chant, choeurs, guitare   
   Mike Inez - Basse
Sean Kinney - Batterie   
   Scotty Olsson - Guitare