Björk - Surrounded
Des chansons inoubliables, une artiste attachante et originale, une grande majorité des mixes 5.1 sont réussis voire somptueux |
Note globale |
La qualité un peu trop variée des albums, bien sûr, mais surtout une édition dont le soin est finalement très minimal |
Editeur
: Rhino
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Durée
totale : 8 h 12
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(96/24) - Image NTSC |
Tous les clips, un making-of, et c'est tout. Ne pleurez pas, c'aurait pu être pire. |
Artiste phare des années 90, l'Islandaise Björk a débuté comme chanteuse des Sugarcubes à un âge où la plupart d'entre vous usaient encore leurs culottes sur les bancs du lycée. Dôtée d'un physique de ravissante souris nordique, et d'une voix improbable facilement imitable mais totalement inégalable, elle donna ses lettres de noblesse au son trip hop de Bristol, remit les formations de cuivres au goût du jour, fit entrer le rock progressif et les orchestres massifs au sein des clubs dance, fit progresser à grands pas le post-rock naissant, puis repoussa ses propres limites à l'orée des années 2000, devenant non plus une simple chanteuse à succès mondial, mais une icône, mélangeant ventes somme toute très honnêtes, notoriété (ses frasques avec les journaleux pipol de mes deux, ses apparitions à un grand nombre de concerts caritatifs), et intégrité artistique, pour ne pas dire doctrine. Elle divisa et continue de diviser le monde très élargi du "rock". Taxée d'intello arty prétentieuse par les uns, déesse vivante pour les autres, tout simplement chiante (disons le mot) pour les mélomanes épidermiquement hermétiques, elle est une de ces rares artistes dont les albums sont si diversifiés que chacun aimera tel ou tel disque sans pouvoir supporter un autre. Ce coffret est donc très hétéroclite par essence, et si c'est une de ses forces, il pourra tout aussi bien s'agir pour vous de sa principale faiblesse.
Le coffret propose donc les sept premiers albums et EP de Björk, de Debut au très confidentiel Drawing Restraint 9. D'un pourpre douteux, le coffret renferme au final de simples DualDiscs reprenant l'artwork original des disques, et benoîtement un dos de pochette (très laid) spécifique au-dit coffret. Bon point : les puristes pourront simplement renverser le carton pour obtenir le dos de pochette originale. La présentation est donc minimaliste puisque ce n'est en réalité qu'un simple "bundle", mais là n'est pas le problème principal. Non, le vrai souci de Surrounded, c'est que nos amis de chez Rhino ont fait preuve d'un grand laxisme concernant les détails, la finition. Des boitiers simples posés les uns à côté des autres, passe. Le manque complet de liner notes, et même de quoi que ce soit se rapportant au fait qu'il s'agisse d'une réédition, est déjà bien plus ennuyeux. Les seuls bonus que vous trouverez seront les clips des albums, quand il y en a, et un making-of sur Medulla. Rien d'autre.
Les menus de navigation sont absolument catastrophiques. Reprenant tous le même système ultra-minimaliste, ils sont d'une laideur de phacochère tuberculeux, avec une fonte "handscript" enfantine certes poétique, certes identitaire, mais... à l'extrême limite de l'illisible ! Naviguer est pénible tant le tout est moche, les avances rapides ne sont pas permises, passer d'un titre à l'autre est invisible sur le menu (là ce n'est pas le premier DVD qui en souffre), mais surtout, et c'est là qu'on ne peut pas mettre plus de 7/10 quelles que soient les qualités : Rhino a juste mis des DualDisc fragiles et tout bêtes, en 5.1 ou en DTS (96/24 tout de même), et n'a pas jugé bon d'inclure des SACD ou des DVD-Audio, alors même que certains titres EXISTENT dans ce format. En bref, acheter ce coffret anthologique, à un prix tout de même relativement chargé, revient à abandonner le son surround haute qualité. Certes, DvDreamScape ne s'occupe principalement que des DVD-V, et donc des pistes 5.1 et DTS, mais sortir un tel coffret pour retirer les pistes en résolution avancée est d'une bassesse telle que la sanction ne pouvait que tomber.
Cependant, je ne peux pas vous laisser tout seul au milieu de cette jungle de chroniques avant d'avoir rappelé le sujet principal : TOUT Björk en 5.1. Et... quel 5.1 ! Les mixages surround sont au pire très agréables, au mieux totalement fascinants. Le manque de piste haute résolution n'en est que plus dommageable, car si le Dolby Digital est assez anecdotique (si vous ne possédez que cette configuration, l'achat est cependant envisageable), le DTS plein débit donne corps et âme à nombre de sons et de détails, et des détails, Björk en met partout depuis sa toute première chanson. Vous pourrez peut-être vous demander pourquoi Debut et Post n'ont qu'une note de 7/10 en son, alors qu'ils sont excellents. La réponse est simple : il fallait relativiser, et faire carrément preuve de mauvaise foi pour descendre la note son, car on arrive ensuite à des 9 et 10/10 qui, croyez-moi, ne sont pas volés. Ce qu'il faut retenir ? Le passage de Björk en 5.1 est très réussi, le contraire eût été étonnant, et malgré ses énormes défauts ce coffret est un joli cadeau à faire ou à se faire si on aime le bon son.
Enfin, rappelons que comme pour The Doors, l'auteur de ces lignes ne connaissait pas une note de Björk avant de s'attaquer à cette montagne, et que les avis tranchés seront d'autant moins partagés que Björk n'arrive pas elle-même à regrouper ses oies. Signalons de même que cette page comporte également la chronique de Volta, dernier album en date de la jolie puce septentrionale, qui possède également un mixage en DTS. VOLTA N'EST PAS INCLUS dans le coffret Surrounded, mais il me semblait approprié de l'inclure à cette page. Comme ça, vous avez l'intégrale intégrale. Ne riez pas, c'est pas toujours évident dans notre petit monde mesquin du Disque Digital Versatile Musical. Attachez vos ceintures, fermez les fenêtres, et surtout... ouvrez vos esprits.
DEBUT
Le disque : C'est donc trois ans après le... début d'une décennie tumultueuse pour le monde de la musique qu'apparaît le premier Björk solo, sobrement intitulé Debut. Mais quel début ! Un succès commercial très enviable (avec moults singles à l'appui) doublé d'une critique extatique. Un public brassant à la fois les amoureux d'electro, quelques férus de techno moins obtus que les autres, et la tranche de ce qu'on allait appeler les bobos (cf later). Une voix aussi. Cajôleuse, parfois fausse à dessein, décrochant à volonté et se récupérant en un flash, et à quelques endroits parfaitement folle. Et puis, un son, le son Björk, aidée par Nellee Hoopper mais essentiellement dûe a un brassage inédit, celui du trip-hop naissant et de choses plus orchestrales, plus pompeuses.
On retrouve tout ça et bien plus dans Debut. Singles hypnotiques qui ont plus (Human Behaviour) ou moins (Violently Happy) bien résisté au temps, mais aussi ces fameuses expérimentations qui peuvent rebuter et ont immédiatement classé Björk dans la catégorie du "rock intello" : ici un morceau de jazz lounge joué uniquement à la harpe (wow), là un final d'album minimaliste avec uniquement trois cuivres, un titre electromantic d'une sensualité Bossa Novaesque (Come to Me) ou encore une impro sur un morceau acid jazz partiellement enregistrée aux chiottes (sic), on ne peut pas dire que l'album soit lisse ou répétitif. On retrouve déjà les tics vocaux de la jolie lutine, son mélange de paroles poétiques, plus crues, ou plus enfantines, et bien sûr un tapis sonore en constante évolution.
Le défaut (si c'en est un) de Debut est aussi ce qui avait fait sa qualité : en le réécoutant de nos jours, on se rend bien compte que le fameux "son" de Bristol, qui a marqué les années 90, a fini par vieillir tout autant que les sons typiques des décennies précédentes (DX7 des 80s, Mellotron des 70s, guitare twang des 60s), permettant à l'auditeur de placer le disque dans le temps en quelques secondes. Mais après tout, est-ce un mal ? Les classiques de nos années 2000 sonneront peut-être datés dans dix ans, qui sait ? De toutes façons, classique est bien le qualificatif idéal pour ce Debut, à la notoriété pas volée. Même si ce CD possède un trésor empoisonné. Un beau trésor, mais avec de l'iocane en poudre dedans. Bénéficiant d'orchestrations opulentes et d'une ligne de basse maligne, Play Dead (c'est son petit nom) est un bijou dans la lignée des meilleurs génériques de James Bond, puisque sa magnificence symphonique la rapproche des travaux de David Arnold, et elle donne bien le ton pour ce qui va suivre, cette chanson de fin. Chanson de fin ? Oui. Là est le poison. C'est dommage, car aussi minimaliste soit-elle, son prédécesseur The Anchor Song faisait une magnifique clôture d'album. Gonflée, prétentieuse, limite décevante, mais elle aurait été absolument parfaite en chanson de fin. C'est d'ailleurs un défaut récurrent chez Björk, et c'est assez croustillant de penser que dès l'album Debut, on voit qu'elle ne sait pas finir ses albums. Cela dit... si c'est là votre unique plainte, vous voyez à quel niveau d'excellente nous nous dirigeons !
(NDBaker : Pour une fois, on va passer en mode j'me-la-pète : vous aurez sûrement tiqué sur quelques détails de cette chronique : oui, Play Dead est un bonus, donc The Anchor Song est vraiment la fin de l'album original, et oui, c'est bien David Arnold qui a écrit ce Play Dead, c'est donc un peu normal que ça sonne comme lui. J'ai laissée intacte la chronique telle qu'écrite AVANT que je ne sache tout ces détails. Ca fait un peu "le kéké fait la roue" mais c'est important pour la suite des chroniques, particulièrement SelmaSongs. Sinon, mes chevilles, ouais ça va... ^^)
La technique : Relativisons, relativisons, qu'y disaient. Voici le premier album de Björk, donc le plus ancien, enregistré à une date où peut-être que certains d'entre vous n'étaient même pas nés (eh non, ce site n'est pas encore interdit aux mineur(e)s). En prime, il n'a pas été conçu à la base pour le 5.1. Enfin, il a été fabriqué un peu de toutes pièces, de façon artisanale. Il est donc normal que la note de son soit la moins bonne. Pourtant, ce n'est pas parce qu'on n'est pas excellent qu'on ne peut pas plaire. Grâce à une utilisation judicieuse du caisson de basses, la spatialisation malicieuse de certaines parties rares mais magnifiées, et un son aussi proche que possible du mixage original, ce Debut rend sa "double stéréo" bien plus excitante que de prime abord. Qui plus est Human Behaviour, moins spatialisée que les autres, brouille les pistes dès le départ. Audacieux, ce 5.1 est d'ores et déjà un bon achat, aérant quelques synthétiseurs aux nappes onctueuses (le refrain de Crying) et démultipliant les effets bizarres (les WC de More to Life). En-dessous de nos attentes ? Pas vraiment, même si icelles furent hautes. Et ce n'est qu'un début. Oh la vache, le jeu de mots, en plus je dois être le premier à le faire.
Et les clips ? Après tout, ils constituent une partie du charme et de l'univers de notre lutine. C'est en partie vrai, sauf si vous commettez comme votre serviteur la colossalle connerie de débuter par Big Time Sensuality (don't ask). Un clip d'une profonde nullité, si incroyablement mauvais qu'il pourrait sans peine passer sur les chaines musicales de la TNT. Mon Dieu que ça existe des choses pareilles... Heureusement le reste sera d'un bien meilleur acabit : Human et son "cauchemar drôle" (avec la demoiselle au sommet absolu de sa beauté), Venus qui logne vers Maité, Violently moins intéressant mais qui avait fait un carton à l'époque, et Play Dead plus simple à faire puisqu'il s'agit d'une longue fausse bande-annonce pour le film avec notre Islandaise incrustée pour la bonne cause. Une collection de clips qui à l'époque n'avait pas laissé insensible, et qui là aussi sera le début de la quete vers des travaux encore plus aboutis.
5.1 (52 min) 01.
Human behaviour |
Clips (21 min DTS) 01.
Human behaviour |
POST
Le disque : Après un excellent début, Björk avait le choix, semblait-il à l'époque, de continuer dans sa lignée ou d'évoluer. Et certains ont pu trouver dommage qu'elle choisisse la première option. Mais en vérité, comment peut-on parler de redite quand le premier album était déjà un melting pot bouillonnant ? Il n'y avait aucun point commun entre Venus as a Boy et Anchor Song ; dans cette continuité il n'y aura pas de lien entre I Miss You et It's Oh So Quiet. On retrouvera les mêmes sons, les mêmes boucles de percus et boîtes à rythmes si typées, et le même grand écart entre les genres abordés, simplement la démarche ira encore plus loin.
Ainsi Army of Me ouvre le bal avec une certitude : entre Debut et Post, Nine Inch Nails a sorti son Downward Spiral, et ça n'a pas pu passer inaperçu. Le ton, le son est beaucoup plus sombre, plus industriel, tonalité confirmée par le ténébreux Enjoy. Si on retrouve ça et là les influences techno et acid des débuts, elles sont plus diluées dans le lot (elles sont encore moins intéressantes aussi, normal). Dans le dur, Björk a donc forcé le trait, pour le meilleur. Et pour le doux ? Eh bien onomatopées sussurées et longues plages de carillons et de bruits blancs préfigurent Vespertine, avec une tendance au minimalisme parfois gênante (Headphones) mais toujours intéressante, voire relaxante.
Et puis loin de ses premiers succès, Björk s'est aussi aventurée dans le jazz big band le temps d'un morceau, mais quel morceau ! Le célèbre It's Oh So Quiet, à l'intro désormais mythique, et où notre petite puce pète littéralement les plombs (littéralement, puisque c'est aussi dans les paroles). Rafraîchissante, maîtrisée, optimiste et furieusement contagieuse, cette piste aère un album qui, au-delà de quelques errements (toujours très estimables), est un digne successeur de son modèle. La jeune femme ne gagnera ainsi aucun nouveau fan, mais ses fidèles suiveurs ont pu de nouveau savourer l'étendue de son talent, se demandant dans quelles proportions allait peser sur le prochain album un titre comme Isobel, où la rythmique trip se voit comme par magie écrasée par un orchestre sirupeux et dégoulinant comme votre serviteur aime !
La technique : Pas de surprises : Post reste dans le girond de Debut musicalement mais avec un soupçon de sonorités métalliques en prime - le mix 5.1 prendra le même chemin. Mêmes spatialisations parfois factices, même manque de folie sur certains bruitages, mais toujours de magnifiques surprises (la boîte à rythmes de Hyper Ballad, l'ouverture sur les arrières de Cover Me) et un son très agréable, pour ne pas dire franchement sympathique. Dans les différences avec le feeling stéréo, on pourra affirmer sans trop se tromper que It's Oh est plus big-band old school mais moins percutant, la spatialisation donnant une impression de distance entre les cuivres les rendant moins punchy, et Possibly Maybe n'a plus ce côté low-fi exacerbé. Les titres "double stéréo" sont également plus nombreux que sur Debut, mais dans l'ensemble, racheter Post pour son 5.1 est loin d'être une mauvaise idée.
Les clips continuent dans la lignée des précédents, débutant par le plus célèbre, Army of Me, son camion géant et son attentat au musée, sympa mais qui semble inabouti. Isobel est un joli hommage au cinéma japonais des années 50, et Possibly, jouant sur les couleurs phosphorescentes, présente une Björk étrange avec le look de Sharon Den Adel ! Moins réussis, It's oh so Quiet part d'une bonne intention mais n'est pas assez fou, assez féérique dans sa mise en scène, et HyperBallad, que ne renierait pas un Peter Gabriel, est assez quelconque mais entame chez Björk une période "incrustations sur le visage" qu'elle continuera à explorer bien plus en profondeur. Dans toute cette collection sympathique mais pas transcendante, le meilleur passage reste I Miss You, petit cartoon sexy et bien barré qui ne se prend à aucun moment au sérieux. Un peu à l'image de la chanteuse sur ce Post. Sur ce Post. Il faut bien préciser.
5.1 (46 min) 01.
Army of me |
Clips (26 min DTS) 01.
Army of me |
HOMOGENIC
Le disque : Un titre d'album est beaucoup plus important qu'on ne le croit. Prenez Homogenic. Ce n'est pas seulement un titre, c'est aussi un adjectif... et un constat. Après le succès de Post, Björk (et son coeur alors meurtri) s'est en effet tournée plus spécifiquement vers les dérives de sa chanson Isobel : rythmiques trafiquées et minimalistes, claviers vaporeux, voix en semi-retenue, mais derrière tout ça (et parfois devant) une orchestration luxuriante et versant dans le pompeux avec délice. Le tout avec des mélodies orchestrales à tomber. Ce sera le cas avec le feutré Hunter qui ouvre le bal, jusqu'à Bachelorette. Quatre titres partageant la même excellence. Un peu trop ressemblants, peut-être. Homogéniques, quoi. Mais diablement, foutrement, diantrement bons.
Les problèmes arrivent avec All Neon Like, et à partir de là l'album ira de plus en plus loin dans le minimalisme technoïde, abandonnant orchestre, puis mélodies, jusqu'au bon goût à travers un Pluto irritant, où l'expérimentation pure fait place à un délire d'artiste capricieux. C'est là le principal souci d'Homogenic : être trop... homogène, justement. Où sont passés le jazz, les cuivres, le groove sensuel ? Ils ont disparu, enterrés sous des tonnes de machines et de bruits qui amoindrissent l'impact d'idées par ailleurs intéressantes. Les prouesses vocales de la petite sont toujours épatantes, mais elles rejoignent l'ambiance générale jusqu'au mimétisme dérangeant (encore Pluto qui ferait presque rap sur les bords, et au milieu, c'est vrai qu'ça craint un peu...).
Seul le morceau de fin, All is Full of Love, apporte une avancée visible : loin de la flamboyance des premiers titres, loin aussi de ces rythmes mécaniques faits de bric et surtout de broc, All is... semble une chanson presqu'inachevée (son remix le confirmera, puisqu'il l'achèvera justement), mais annonce ce que sera plus tard le culte Vespertine. Porté aux nues par les fans autant que la critique, defendu avec panache par Björk, Homogenic est sans conteste un de ses albums les plus populaires et respectés ; il souffre cependant du même problème que les autres "disques cultes" d'artistes divers, à savoir que découvrir Björk avec Homogenic revient à apprendre à lire sans les consonnes. Réussi, en grande partie ; indispensable aux fans, sûrement ; point d'orgue de ce coffret, non, mais il faut avouer qu'il est un peu trop bien entouré.
La technique : En matière de mixage surround, Homogenic franchit un palier de qualité, petit certes, mais indéniablement supérieur. Il faut dire que l'album s'y prêtait plus : indubitablement plus synthétique, il laisse respirer les instruments et développer les programmations. Si la séparation totale de tous les instruments est encore loin, Homogenic restitue le plus gros des effets, détails et rythmiques isolés, sans trop trahir le mixage original. Car c'est bien là l'écueil à éviter ! Et si Alarm Call ou 5 Years restent très fidèles à leurs homologues stéréo, les bruitages en plus, quelques détails feront tiquer ailleurs les plus exigeants : la spatialisation de certaines boucles rythmiques, qui ne forment plus un ensemble cohérent et transforment le va-et-vient en hésitation ; le caisson de basse qui est non seulement bien trop fort mais également quelque peu monotone ; et puis cette saloperie d'accordéon : relégué en tant que décoration exotique sur le CD, il surgit de votre enceinte arrière droite dès qu'il le peut, sonnant cruellement décalé avec le reste. Sinon, les imperfections et le léger manque d'ampleur des pistes orchestrales n'empêcheront pas les amoureux de Homogenic de se régaler à moultes reprises. Et que les autres se rassurent, en DTS, Pluto sonne 5 virgule 1 fois plus exaspérante.
Le succès des vidéos précédentes allié au caractère très personnel des paroles allait marquer un tournant chez Björk dans sa façon d'aborder son imagerie. Joga est le seul clip où la demoiselle ne s'est pas investie en chair et en os : présentant une Islande refaite (et destructurée) en CGI, voilà un joli tour de force visuel même si son intérêt formel est limité (à noter que sa vision en DTS décuple son impact). Pour Alarm Call, présenté ici dans un remix tonique et détonnant, Björk retrouve sa place au centre de l'image et continue de farfouiller dans sa thématique de la nature tueuse. Un thème qui sera repris de façon aussi simple que mémorable dans Hunter. Un clip un peu longuet peut-être, mais que je pense chacun de vous a déjà vu - les souvenirs devraient vous assaillir ! Evidemment ça accuse son âge techniquement... Tout comme All is Full of Love, lui aussi remixé, et présentant une version assez émouvante et bien vue de I Robot, de nombreuses années avant le très agréable (si si, parole !) film d'Alex Proyas. Là aussi, c'est entre le merveilleux (dans les deux sens du terme) et le musée du CGI. Ah, les CGI... Si on avait sû qu'ils vieilliraient aussi vite et aussi mal que... que plein de gens... on les aurait peut-être évités (revoyez les plans en CGI de l'intouchable Jurassic Park et comparez aux animatronics du même film : aïe aïe aïe...). Il en était peut-être conscient, notre farfadet nordique, et le dernier clip, Bachelorette, revient donc aux sources du clip : décors en carton, trucages aux bouts de ficelles, misant tout sur l'imagerie plutôt que la technique, et ça marche. Même au plus fort de ses expérimentations, Björk saura s'en souvenir, et en attendant, Homogenic présente une très jolie collection de scopitones.
5.1 (43 min) 01.
Hunter |
Clips (20 min DTS) 01.
Joga |
SELMASONGS
Le disque : D'où le côté positif de la naïveté. En découvrant Selmasongs, dont le nom ne lui disait rien et donc la courte durée l'intriguait, votre serviteur pensait avoir affaire à un EP de Björk. Et un excellent. Une transition libératrice et décomplexée entre le lisse Homogenic et le troublant Vespertine. C'est donc largement après l'avoir écouté et apprécié que je découvris la vraie nature de Selmasongs, en réalité la bande originale de Dancer in the Dark. Consternation ! J'suis bidon !
Mais quel plus beau compliment peut-on faire à ce genre d'album, que de dire que sa musique se suffit à elle-même ? Grâce au travail énorme fourni par Björk, point besoin d'images pour se laisser entraîner. Elle a compris la leçon d'Homogenic, et tout en continuant son exploration vers les rythmiques non naturelles, elle n'a pas oublié de placer ses deux éléments favoris : l'orchestre lourd (agrémenté ici d'un big band génial) et des pétages de plombs à intervalles réguliers. De l'ouverture majestueuse à la dernière chanson qui en est sa version "avec voix et groupe", et probablement une des plus grandes réussites de la dame, l'auditeur est transporté, malmené entre danse, kitsch, émotion et expérimentations. Le sujet du film tournant autour des comédies musicales, je vous laisse deviner les errements mélodiques que l'Islandaise s'est permise.
Mais le plus important dans tout ça, est que pour la première fois Björk livre ici un album consistant où il n'y a pas un seul vrai mauvais titre (juste un petit bémol pour Scatterheart). Finies les pistes bouche-trous, Selmasongs est certes court (bien trop vu sa qualité) mais dense, où l'on trouve toujours quelque chose d'intéressant où que l'on fouille. Détail croustillant : sur le magnifique I've Seen it All, nous avons droit à un duo avec Thom Yorke, que je n'avais pas reconnu, innocent comme Fernand, trouvant que ce chanteur inconnu n'avait vraiment pas la classe et le charisme de sa féminine collègue (NDKaworu : Et pourtant j'vous jure, j'y suis pour rien !). Une preuve supplémentaire que ce disque peut être écouté sans aucun préjugé, et que le sticker imaginaire "BO de film de Lars Von Trier" ne doit surtout pas vous effrayer, bien au contraire.
PS : Peut-on définitivement interdire Catherine Deneuve de chant ? C'est un beau geste pour le bien de la planète, merci...
La technique : Fini de rire : SelmaSongs est le premier album de Björk présentant un mixage surround vraiment formidable. Les reproches ? Un orchestre massif mais pas encore assez aéré, et la qualité du son en elle-même, quelques grésillements pouvant trahir le reste. Mais quel reste ? Un tapis sonore, mais attention, un d'Orient, avec les dorures et le canevas de 10x6, un tapis de millionaire. Le sujet de Breaking the Waves est centré sur une jeune aveugle, et c'est en tout état de cause que l'écoute en 5.1 incite à fermer les yeux (d'autant que le menu est toujours aussi moche). Les détails sur les bruitages sont saisissants, et la musique y gagne un léger plus de vie (léger seulement car le niveau original est déjà conséquent). Dans cette configuration, même s'il n'est pas souvent spectaculaire, l'EP souvent boudé est encore plus excitant à l'écoute. Un excellent son, donc.
Un excellent son et c'est tout. Pas un clip, pas une interview, pas un remix, pas un inédit, pas même une bande-annonce du film dont il est tiré. Un CD DTS aurait fait aussi bien l'affaire, grosso modo. Une honte ? N'allons pas jusque là, mais une énorme déception, assurément. Le genre de vide qui accrédite la note générale du coffret.
5.1 (32 min) 01.
Overture |
Aucun
bonus
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VESPERTINE
Le disque : Vespertine est l'album charnière de Björk. Celui où la jolie Islandaise est passée de star pop à icône arty, où elle a quitté les pages de Rock and Folk pour squatter les esbaudissements des Télérama et consorts, où elle a gagné ses galons de "bobo compatibility approved" tout en s'aliénant une partie des premiers fans. Il faut dire que les Debut ou Post pouvaient être comparés à du Portishead, du Massive Attack période Blue Lines ou autres Morcheeba ; Vespertine, lui, peut difficilement entrer dans une catégorie, sinon celle des oeuvres de Klaus Schulze ou Steve Reich. Tres loin des Violently Happy !
Il y a peu de mélodie dans Vespertine. Il y a peu de notes. Peu de son. Aucun rythme. Le mot d'ordre est : éthéré. Caprice d'artiste maudit ? Expérimentation à outrance ? Pas vraiment. Certes, certains seront toujours tentés de voir dans cet album un grand vide prétentieux, mais Vespertine est à la musique ce que la tendresse est à l'amour : donnez beaucoup, vous recevrez beaucoup. Inutile de rechercher un tube, le principe même de chanson étant remis en question. Il s'agit plutôt d'instrumentaux avec paroles, dont le radicalisme grandit morceau après morceau jusqu'à atteindre la sérénité parfaite. Vespertine est l'album idéal pour s'endormir. N'y voyez aucune insulte ! C'est juste que cet album est terriblement relaxant, et donne envie de pioncer au bout de trois titres même à des gros bourrins metalleux comme votre serviteur.
Et une fois dans l'état de semi-coma, vous pouvez alors vous régaler du soin apporté au son, du choix de ne jamais heurter l'oreille avec de vraies percussions, sauf pour des clochettes omniprésentes. Haussant très rarement le ton, la douce Islandaise se permet même de rendre un bafouillement, une hésitation, un balbutiement, bref un cafouillage sensuel (Undo). Les synthétiseurs sont tous archi-vaporeux, l'orchestre massif mais retenu. On notera même la présence de churs absolument magnifiques dignes des premières oeuvres de James "Ctrl+V" Horner. Pour le reste, ce n'est pas vraiment descriptible, on se demande même comment un tel album a pu se vendre autant (buzz médiatique auprès des jeunes yuppies branchés ?). C'est certain que tous n'aimeront pas Vespertine, loin de là. Mais dans son domaine, il est une incontestable réussite que vous pourrez vous passer à l'occasion, de facon parcimonieuse, comme on déguste un bon Brandy, en savourant tous ses arômes, avec le Décalogue de Kieslowski en fond visuel. Et tant pis si le gars à côté avec son coca zéro et sa Wii Fit vous prend pour un élitiste.
La technique : Le cas Vespertine est un peu à part : ce fut le premier disque de Björk conçu en 5.1. Il fut par la même occasion un des premiers succès du DVD-Audio, et pour cause : c'est excellent. Si la stéréo suffisait déjà à faire voyager, le surround fait décoller le fauteuil. Et là encore, pas par le truchement de gros sons, mais par les nuances. Les churs et percussions sont suavement délayés tout autour de vous, le grain des synthétiseurs est plus vif, le tout est un régal des oreilles. On comprend alors mieux que Vespertine ait été si populaire en son temps : l'histoire ne nous dit pas combien ont succombé à son charme à travers la prouesse technologique du son multicanal. Le tout sans perdre une once de chaleur. Parfait ? Pas tout à fait : devant le nombre impressionnant de couches sonores, les ingénieurs ont laissé passer quelques grésillements hideux, qui évidemment en 5.1 se font remarquer comme un nudiste dans une assemblée parlementaire. Le DTS n'y fera rien, c'est au départ, ce sera à l'arrivée ; en attendant, si cela peut distraire quelque peu l'auditeur, icelui restera bien calé sur son petit nuage.
Bien qu'assez spécial pour se confiner à une élite, Vespertine a continué sur sa lancée arty avec une collection de clips plus barrés les uns que les autres. Déjà, tirer des clips de cet album semblait incongru ; leur réalisation divisera. Au rayon perturbant, Hidden Place est soigné mais répétitif et surtout un peu écoeurant, Pagan Poetry vous dévoilera la poitrine de la demoiselle mais est bien trop cinglé pour être érotique en quoi que ce soit, idem pour Cocoon qui montre ce que deviendrait la pochette du Mechanical Animals de Marylin Manson tombant sous la malédiction ancestrale d'une momie sponsorisée par Phildar. It's in Our Hands est une sorte de Blair Witch verdâtre, un peu prétentieux mais, le croirez-vous, moins chiant que le looooong métrage ci-cité. Enfin, tout aussi dérangeant que ses acolytes, Nature is Ancient est également d'une beauté captivante, montrant en CGI une fécondation in vitro dans toute sa pureté. Comme vous le voyez, des clips qui ne sont franchement pas pour tout le monde, et dont la vision en DTS renforce l'étrangeté. A vous de juger selon votre sensibilité.
5.1 (55 min) 01.
Hidden place |
Clips (21 min) 01.
Hidden place |
MEDULLA
Le disque : Vespertine a eu du succès. Bien ennuyé était alors le journaliste épris de fureur devant cette compil de new age sans la moindre technoïderie. Impossible d'en dire du mal sans passer pour un borné inculte. Pour Medulla, l'affaire est toute autre. Car il s'agit, avant d'être un vrai album, d'une expérience artistique terriblement prétentieuse. Un disque composé à 95% de voix humaines. Samplées, trafiquées, haletantes, chuintantes, angéliques, se raclant la gorge, criant, tout tant que ça vient de notre magnifique organe. Culotté comme concept, bien arty comme il faut, de quoi prendre sa revanche. Et si tous les journaux à tendance mode-et-philosophie-madame ont encensé le disque à grands coups de "génial !", "sublime !" et autres louanges démesurées, d'autres n'ont pas hésité à tirer à feu nourri et proclamer que Björk avait totalement perdu la boule. Perdu la boule... Comme si elle l'avait déjà retrouvée un jour !
Le problème avec ce genre d'album expérimental, c'est que pour ne pas sombrer dans le ridicule, les chansons doivent être béton, et survivre au-delà du concept initial. C'est là la faiblesse de Medulla : des passages entiers où aucune mélodie, aucune idée géniale ne fera passer outre des sons ridicules, des idées prétentieuses et boursouflées (Björk qui halète comme une jument crevée, gargarismes en direct, chant plaintif et plus faux qu'un bilan de santé présidentiel, cris de cormoran à l'agonie), jusqu'à une chanson complète presqu'insupportable de A à Z, Ancestors, seul titre bénéficiant d'un vrai instrument tonal, sous la forme d'un piano hideux et tape-nerfs. On rajoute un acapella court mais fort peu utile (un comble pour un album vocal), des essais de rythme à la bouche à la limite du fou rire (mais géniaux), et on comprend vite, en à peine une écoute, que Medulla ait donné des boutons même à certains des fans les plus aguerris. Bonjour ma phrase bien pompeuse et compliquée. Boutons là aussi. Rejet. Beurk.
Mêêêêêêêêêêêais... Il serait cependant hâtif d'enterrer Medulla. O combien hâtif ! Passées les premières écoutes, et les premières mauvaises surprises, on découvre bien plus qu'un ramassis de bafouillements arty. Entre deux ratages, ou plages baîllantes, on peut trouver de véritables trésors. Björk qui pour la première fois utilise sa langue natale sur presqu'une moitié d'album. Les fameux accords jazz très complexes qu'elle affectionne mais ici murmurés a capella (certains sont sublimes). Deux ou trois refrains qui minent de rien sont de super-tubes en puissance (dont Who is It qui n'a besoin de strictement aucun instrument pour être géniale). Et le retour des churs Horneriens de Vespertine, ici poussés à un degré de délicatesse digne de James Newton Howard. Et évidemment, mais là ce sera plus discutable, quelques plans de folie débridée qu'on dirait provenant d'un pur siphonné de la cafetière (...et pour cause, c'est Mike Patton !). Tout ça fait beaucoup pour un "album de merde", mais avouons qu'il faut creuser un peu pour trouver ces pépites. Un regret ? Le tracklisting franchement bizarre, en particulier le dernier titre, à la fois cinglé et entraînant, qui aurait dû se retrouver vers le début histoire de relancer la machine et de ne pas décourager les auditeurs frileux. Et puis entre nous, ce dernier titre, franchement, c'est pas un titre de fin. Mais bon, après tout, il paraît que Medulla, c'est pas un album ! ;-)
La technique : Par essence, Medulla est un album minimaliste. L'acheteur lambda ne verra donc aucun intérêt à posséder cet amassis de gargouillis en 5.1. Le surroundiste avisé, lui, verra tout le potentiel de la chose, à condition que le résultat soit traité avec intelligence. Et oh ! qu'il le sera ! Medulla est une pierre angulaire de la musique en 5.1. Déjà de par la qualité du son : la moindre bulle de salive au coin de la lèvre éclate au grand jour, la moindre déglutition fait l'effet d'un tsunami. Le tout avec une chaleur incomparable. Ensuite, l'ouverture sur les arrières des voix principales est généreuse et mériterait à elle seule l'achat. Enfin, et là on touche au génie, Medulla proposait en réalité un nombre conséquent de pistes, de bruitages et de halètements parfois très discrets, aux frontières de l'indicible ; ici, on entend tout, on savoure tout. Jamais un ensemble vocal, même complètement taré, n'aura aussi bien rendu. Les Mike Pattoneries rebondissent sur vos murs, les accords de plus de trois notes vous entourent comme des barbelés, c'est du bonheur en barres. Le mixage rendra-t-il l'album plus intéressant aux oreilles de son contradicteur ? Oui, mais il paraîtra encore plus prétentieux - à vous de faire la juste part des choses. Et si vous n'aviez de Medulla que le CD, ne pas passer au niveau supérieur est, comme dirait Vizzini, in-con-sse-vable.
Et les bonus ? Oui, les bonus : pour une fois il y en a ! Les clips et le making-of présents ici étaient déjà sortis sous le nom de "Medulla : the movies", et franchement, tel quel l'achat était intéressant à l'époque, bien que désormais avoir l'album ET les bonus sur la même galette représente un gain d'intérêt considérable. Pourtant, les clips ne brasseront pas un public monstrueux, Björk continuant d'aller encore plus loin tant picturalement que soniquement. Oceania présente Medusa et ses choristes (clip tout à fait charmant surtout en DTS), Who is It remixé nous présente ClocheLand (non, ce n'est pas le Poitou), Desired Constellation dévoile des... constellations, mais aussi des poissons-bras (c'est d'avoir bossé avec Patton qui l'a menée vers la poiscaillophilie ?). Plus jusqu'au-boutiste sera Where is the Line, qui sera probablement irregardable pour les plus délicats d'entre vous : cauchemar éveillé entre Clive Barker et le Blob, Where... est non seulement beaucoup trop long, mais en prime carrément dégueulasse. S'il vous reste des forces après avoir gerbé, vous pourrez vous jeter sur Triumph of a Heart, ultime clip du coffret où Björk tente de réconcilier art avant-gardiste et commercial avec un drôle de bordel narrant sa rupture sentimentale avec... un chat. Bien enfumé et pourtant irrésistible, ce clip est accompagné d'un making-of long, non sous-titré malgré de nombreux accents, mais en tous points passionnant. S'attardant aussi bien sur l'album, les enregistrements d'onomatopées, le connardier Björkien ou les effets spéciaux félins, c'est un excellent moment à passer, qui ne fait que plus cruellement regretter le manque de bonus ailleurs.
5.1 (45 min) 01.
Pleasure is all mine |
Clips (22 min) 01.
Oceania Making-of (28 min non st) |
DRAWING RESTRAINT 9
Le disque : Les musiques de film peuvent-elles se passer du support image ? C'est une question éternelle, récurrente, qui donne régulièrement naissance à des fritages en règle limite Gangs of New-York. Pour ma part, la question devrait être plus souple : est-ce que TOUTES les musiques de film peuvent être indépendantes, et dans le cas négatif, peut-on vraiment juger le disque ? Dans le cadre d'expérimentations très audacieuses, oui, on le peut, mais quid d'une musique si affligeamment chiantissime qu'elle fait l'effet d'un repoussoir ?
Si l'on s'en tient uniquement à cet album, Drawing... a l'air avant tout d'un film d'Auteuuuuur, avec un A majuscule et quarante-deux U, signé du mari de Björk, et dans lequel Björk tient semble-t-il le rôle principal. Semble-t-il car en toute franchise je n'ai pas vu ce film et n'ai désormais aucune, mais alors strictement aucune envie de le voir. Je me suis déjà parfumé l'album complet, deux fois, et c'est bien là le seuil de douleur psychologique maximal que je puisse atteindre. Car DR9 n'est pas une musique de film au sens "civil" du terme, c'est une bande-son soulignant un univers. Le genre d'univers où personne ne vous entendra crier.
Passé le premier titre, une chanson non interprétée par Björk, mais clairement ancrée dans son univers (une "Anchor song" quoi), commence une torture auditive hallucinante. Il ne se passe RIEN pendant ce disque ! C'est incommensurable ! Les titres se classent en trois catégories : les carillons, mignons mais totalement transparents, l'harmonica japonais jouant n'importe quoi et possédant un son digne du plus mauvais synthétiseur de base, et les explosions d'égo arty à faire passer le pire de Medulla pour un single de Gold. Point d'orgue de ce vide intersidéral : Holographic Entrypoint, un espèce de machin inspiré du théâtre folklorique japonais, et qui se résume à un vieillard grommellant des incantations après 17 sakés consécutifs et des coups de burin donnés au pif. Rien d'autre. Pendant plus de dix minutes. Ca plaira à ceux d'entre vous qui s'intéressent aux us et coutumes des civilisations, mais en tant que piste sonore c'est tout simplement insoutenable (NDKaworu : Pour rester dans le domaine des bandes originales, Shômyô était déjà le gros point noir de la bande originale d'Akira).
Pour vous donner une idée, cliquez ici pour télécharger un MP3 qui dès la première écoute m'a fait un peu penser à un résumé de cet album, sauf qu'il y a plus de mélodie dans ces trois minutes que pendant 90% de l'album de Björk, et que la production amateur au possible est à peine moins bonne que certains euh... certaines pistes de ce CD. Et vous vous imaginez vous emplâtrer un film d'Auteuuuuur qui serait porté par ce, ce... ce truc ? Les ultra-fans de Björk essaieront probablement de trouver en DVD ce Drawing Restraint 9, grand bien leur fasse, après tout cela éclairera leur vision de Björk actrice collaborant avec son mari, et si ça se trouve c'est un bon film (qui sait ?). Les amateurs de It's oh so Quiet et de Bachelorette, quant à eux, doivent rester aussi loin de ce disque qu'il est humainement possible. Et quand on pense que ce CD clôt la boxset... On a peur pour la suite... Mais remarquez que penser après avoir écouté DR9 en intégralité, c'est déjà faire preuve d'une résistance hors du commun.
La technique : Frustration. C'est ce qui vient à l'esprit une fois qu'on s'est enfilé les 58 minutes de Drawing Restraint 9 en DTS. Vous avez dans l'histoire de la musique contemporaine 4 ou 500 disques qui supplient Dieu et tous ses saints de connaître un jour une version 5.1, et en prime pas des albums inconnus (allez, au pif : Love Over Gold, Scoundrel Days, The Sky Moves Sideways, Spirit of Eden, Zoolook, Images and Words, Innamoramento, Close to the Edge...). Et là, vous avez un disque immonde, à la limite de l'inintéressant le plus flagrant, et... il est proposé dans un DTS absolument impeccable. Comme pour Medulla, la chaleur du son est appréciable et les spatialisations se lâchent dans tous les coins dès que possible. Dès que possible. Il faut le répéter, parce que je vous rappelle qu'il y a autant de musique dans ce disque que de morceaux de fraises dans une raie aux câpres. A ce titre, l'harmonica japonais sonnait déjà très pauvre, alors isolé en 5.1 et tentant de regarder par-dessus votre épaule... Quant à Holographic Mercypoint, son caractère vide ne sera ni amplifié, ni atténué par la spatialisation un peu terne : zéro n'est pas un multiplicateur. Mais pour le reste, il serait stupide de nier la très grande qualité du son surround, bénéficiant d'un soin tout particulier, et qui ravira les amoureux de ce disque. Lesquels sont priés de se jeter sur ce DVD pour y retrouver leurs morceaux préférés dans un son optimal. Leurs morceaux préférés et...
...et rien d'autre encore une fois ! Un DVDespérément vide. Là encore, pas d'interviews, et pire, pas de bande-annonce ! Décidément, il était dit qu'on ne verra jamais à quel "film" se rapporte cette "bande-son". C'en est d'ailleurs inquiétant : film indépendant, réalisé par le mari de la chanteuse, et pas un extrait ? Parfait pour faire fuir tout spectateur potentiel : le cinéma, c'est de l'image et du son. Le son, on a vu, c'est foutu. L'image, ça la fout mal, que dalle. A part les photos du livret qui font encore plus Auteuuuuuur (rajouter des accents circonflexes sur les û), et qui fait à n'importe quel cinéphile même très averti l'effet d'un bain à l'huile bouillante. Un film est fait pour être vu, que diantre ! Et donc le manque absolu de bonus ne relève pas le niveau, puisque pas de musique plus pas d'images n'ont jamais fait un film (ah si, Blair Witch). Mais que dis-je ? Il y a bien un bonus : Petrolatum, disponible uniquement en 5.1. Et pour cause : en stéréo, ce "titre" serait passé pour un défaut de fabrication du disque. Ce n'est pas de l'humour, c'est une analyse technique. Ca ne relève pas le niveau du disque, évidemment, mais soit dit entre nous, ça n'arrive même pas à le faire baisser non plus.
5.1 (58 min) 01.
Gratitude |
Aucun
bonus
|
VOLTA (N'est PAS inclus dans ce boxset)
Le disque : "Post avec des cuivres et des rythmes tribaux". Il a été tentant, dès la sortie de Volta, de lui accoller cette description. Resituons le terrrain : Björk s'était éloignée des dancefloors et du public "facile", avait tendu à chaque fois vers plus d'experimentations, jusqu'à Medulla que l'on peut considerer comme jusqu'au boutiste, et par définition le point de non-retour (mais... qui sait ce que l'avenir nous réserve ?). On avait oublié que Björk s'était aussi éloignée des studios tout court, étant restée absente si longtemps que Volta fût vécu comme un petit évènement. Décevant pour certains, totalement enivrant pour d'autres, Volta a divisé les amateurs, comme pratiquement chaque album de la lutine, mais cette fois les opinions étaient mitigées entre pro-pop, pro-Medulla, pro-Vespertine et anti-Björk. Curieux ?
Pas vraiment si on considère le contenu de cet album. "Post avec des cuivres" ? Un peu, mais surtout, tous les autres albums en prime. Il y a de tout dans ce disque : de la pop trafiquée de Debut avec plus de cuivres, le retour de la harpe, la tonalité plus indus de Post, un titre aux sons low-fi Mark Bellesques de Homogenic, un (non, deux) duos Björk / homologue masculin à la SelmaSongs, un titre apaisant (Pneumonia) rappellant Vespertine, avec toujours plus de cuivres, et puis quelques churs et bruitages louches enfantés par Medulla. Vous avez même la traditionnelle mauvaise chanson (que serait un album de Björk sans mauvais titre ?), ici un Declare Independence bruitiste fatigué et difficilement supportable. Bref, un véritable best-of de la dame.
Et c'est bien là le détail qui a pu troubler les afiçionados : pour la première fois depuis Post, Björk a recyclé d'anciennes recettes au lieu d'aller de l'avant. Comme si la marque déposée Björk était devenue une formule toute faite, au lieu du chaudron magique. Inquiétant ? Ca ne devrait pas, mais pour une artiste autant médiatisée et suivie par une frange non négligeable d'intellectuels et de fashioners, on comprend que la moindre queue de vache qui remue se transforme en pneumonie. Pourtant, on y trouve encore de bien belles choses, dans ce Volta. Un premier titre infectieux, un duo romantique qui se transforme en sorte d'epic progressif non progressant (la chanson la plus longue de Björk, délicieusement contemplative), le fameux Pneumonia donc, si délicat, et surtout un morceau de bravoure, un Vertebrae by Vertebrae orchestral, minimaliste et malsain, sarabande nécrotechno hypnotive. Alors oui, Björk a fait un petit peu dans la facilité quand on regarde l'ensemble de l'ouvrage, mais chaque tâche de couleur prise séparement possède de jolis reflets mordorés. Le plus important là-dedans étant que, on l'a déjà écrit en début de cet article, et bien d'autres l'ont aussi exprimé maintes fois depuis dix ans, on ne sait pas ce que Björk nous réserve pour la prochaine fois. Et pour être franc, on n'a pas trop envie de savoir. Car c'est de là que vient tout le plaisir.
La technique : Curieux ! Volta est un melting-pot musical des albums précédents, et voila que son mixage surround se met à la page ! Volta mélange en effet la précision de Medulla et le léger flou de Debut selon les morceaux. Il y a donc d'extraordinaires moments, d'autres moins excitants, tous sont au minimum bons. Vertebrae reprennant les cuivres de Drawing Restraint, il hérite aussi de son mixage de fou, tandis qu'un titre comme Earth Intruders sera un poil en-dessous des attentes, les bruitages et rythmiques n'étant pas assez isolés dans l'espace, pas assez bien définis. Le résultat global est malgré tout très bon, rajoutant une dimension certaine à la musique, et les possesseurs du coffret Surrounded peuvent sans problèmes acquérir ce nouvel album en DTS, meme s'ils savent d'avance ce qui les attend.
Et notre DVD de s'arrêter là car encore une fois, pas de bonus. Ou plutot si, un, anecdotique mais bien réel : finis les menus hideux, le disque propose une photo différente par titre. C'est toujours ça de pris. Et les amateurs de jolis minois pourraient se réjouir, puisque c'est Björk, mais ne vous attendez à rien : ce sont des photos artistiques. De Björk. Avec tout ce que ça comporte. Donc, fermez les yeux, ouvrez les oreilles, et priez pour que ses prochains albums continuent dans cette optique du tout-surround qu'elle a été la première à défendre bec et ongles.
5.1 (51 min) 01.
Earth intruders |
Aucun
bonus
|
...Et notre voyage de s'achever. Sacré voyage, qui a vu nombre de contrées, de caprices météo, d'escarpements, de langues... Et au final, chacun y trouvera son compte. Maintenant, vous voulez une bonne nouvelle ? Si vous vous débrouillez bien, ces disques sont également disponibles à la vente séparément, et plus encore que pour les Doors, cela fera l'affaire d'auditeurs qui ne pourront pas tout aimer, même en se forçant - ce qui est la pire façon d'aimer. Encore une fois, merci d'avoir choisi la Baker Airlines, nous espérons que le vol ne fût pas trop mouvementé (...genre on savait pas qu'il l'était eud' tout' façons !). Prochaine escale, pas grand-chose, juste pour faire refroidir les moteurs : Donald Fagen. On n'y reste que trois heures, mais vous verrez, ils ont une petite cafétéria splendide avec des mets savoureux, des alcools forts somptueux et une vue sur le paysage im-pre-nable. Il y a juste le maître d'hôtel qui est un peu rat, mais bon, on n'y est pas encore.
03-06-2008
PS : Je hais Matthew Barney, mais c'est pas parce qu'il a fait DR9 ! :-)