De la patate en tube concentré, un film drôle et gai, image incroyable, édition assez complète

Note globale


Bonus plus nombreux que pertinents, commentaire audio non sous-titré comme d'habitude, 5.1 anecdotique, éléments du film un tout petit peu dépassés (mais un tout petit peu)

Editeur : Warner
Durée totale : 4 h 59
(+ bonus audio très conséquent)

(UK) - (UK FR IT)

Image      (format respecté)   PAL

Sous-titres français et anglais sur les dialogues
Sous-titres des paroles (pour anglais malentendants)
Commentaire audio (non st)
Fonction "lapin blanc" avec extraits d'anciens films
Extraits des premiers films parlants (16 min st fr uk)
Bande-annonce (4 min st fr uk)
Documentaire : Les grandes comédies musicales (86 min st fr uk)
Making-of : Quel sentiment glorieux (35 min st fr uk)
Extraits de films ayant inspiré les chansons (50 min st fr uk)
Scène coupée (4 min st fr uk)
Galerie de photos (2 min)
Interview de Baz Luhrmann (3 min st fr uk, caché)
Bonus audio : prises alternatives des chansons (76 min)

10 pour l'amateur de belles images, mais "que" 9 pour le cinéphile qui regrettera l'absence totale de grain. Tout est beau, clair et totalement lissé. Un manque de personnalité cinématographique donc, auquel fera face une restauration exceptionnelle. Regardez ces couleurs : ça a 60 ans. Eh oui. En Blu-Ray je n'ose pas imaginer ce que ça peut donner.
Le mono d'origine est toujours un peu baveux et crachouillard, mais malgré tout très bien restauré. Le 5.1 n'apporte pas grand-chose, à la rigueur un simulacre de stéréo, mais l'écoute en mono ne gêne en rien. La VF, sympathique et bien d'époque, rajoute du crachottis sans être inécoutable non plus.
Certes le scénario est mince, et les bons sentiments foireux pullulent, mais cela n'empêche pas d'avoir un sourire large comme les Gorges du Tarn tout du long. Un film drôle et plus fin qu'il n'y parait, truffé de numéros de danse à couper le souffle, que vous aimiez la danse ou non.
Entre 6 et 7, plus précisément, car il y a abondance, pléthore même, mais aussi de la répétition, un manque de mordant, et pas de sous-titres sur un commentaire qui en aurait bien eu besoin. Autant vous pouvez pardonner la naïveté du film, autant sur les rétrospectives un poil de remise en question n'aurait pas fait de mal. Impression générale positive cependant.

Le monde des comédies musicales - et précisément celui des films hollywoodiens de genre - possède avec celui des crooners le point commun d'être un microcosme. Ceux qui y ont travaillé ne connaissent que cela, ne vivent que par cela. Tout le monde se connaît, tout le monde s'aime, et personne n'osera sortir du cercle. Aussi, est-il rare et précieux qu'une comédie musicale, qui plus est un classique du genre, arrive sans forcer à dépasser largement les limites de son public de base. Tout le monde connaît Singing In The Rain, ou du moins croit le connaître. Le nombre de gens qui pensent l'avoir vu en entier sans même savoir de quoi il parle, c'est impressionnant. Et paradoxalement, il y a tout autant de gens, jeunes principalement, qui refuseront désormais d'y jeter un oeil justement par peur d'ennui profond et de déjà vu. Or, il y a une bonne raison à ce que Singing soit aussi louangé 60 ans plus tard, et à ce qu'on l'appelle un flm culte : quitte à donner dans la comparaison hâtive, j'ose affirmer, à mon corps défendant, que Chantons sous la Pluie est à la comédie musicale ce qu'est Shaun of the Dead au film d'horreur : une comédie géniale, parce qu'elle va bien au-delà d'un simple genre, parce qu'elle est faite avec respect et connaissance des codes, et parce que, surtout, c'est une comédie !
Non, Singing, ce n'est pas qu'un pauvre péquin avec un parapluie qui fait du ballet de tarlouze en sépia billeux. Cette séquence mondialement connue est d'ailleurs l'une des plus sous-évaluées qui soit, tant sa vision au cours du film se montre bien plus enthousiasmante que lors de ses diffusions bancales distillées avec force ciseaux dans de chafouines émissions tendance Vichy Forever. Singing, c'est un mélange subtil de musical dans la plus pure tradition et de gentille satire d'un âge d'or : le cinéma muet. Le film conte les mésaventures d'un couple d'acteurs du muet, superstars un peu imbues, très people, qui s'avère incapable de se reconvertir pendant l'apparition du cinéma parlant. Scénario mince mais réjouissant, propice à de savoureux numéros d'autoparodie, et entre deux avancées de l'histoire, un numéro musical. Plus précisément, un best-of, puisque le film a été entièrement conçu autour des meilleures chansons d'Arthur Freed, grand maître du musical made in MGM. On pourrait croire à une sombre machination commerciale, avec le degré zéro de l'originalité - mais c'est sans compter sur l'énergie de l'acteur/chanteur/danseur/producteur/chorégraphe/réalisateur/tyran Gene Kelly.
Difficile en réalité de croire que ce film soit si "vieux", car même avec le côté cucul la praline de la moindre réplique, l'histoire très linéaire et la musique somme toute passée de mode (NDKaworu :...Et ?!?...), ce qui frappe, c'est justement cette énergie qui crève l'écran, qui l'explose. Les numéros sont des prétextes gratuits - et revendiqués comme tels - à montrer les capacités de danseurs du trio infernal Kelly / O'Connor / Reynolds (alors toute jeune débutante qui en prit pour son grade). Dès le début du film, les craintes de se parfumer de nunuches claquettes de papys se dissipent : non seulement le film en tant que tel joue avec saveur la carte du second degré, mais le premier numéro complet, Fit as a Fiddle, place très haut la barre du Spectacle, avec un S majuscule s'il vous plaît. Et les cabrioles toutes plus folles et inattendues n'auront alors de cesse de se succéder en un programme épatant, coloré et généreux, jusqu'à l'écoeurement avec ce Broadway Melody pour le coup totalement gratuit, n'apportant absolument rien à l'histoire, mais si excessif dans sa démesure qu'on lui pardonne tout. D'ailleurs dans l'ensemble, les numéros musicaux ne sont pas déterminants dans le scénario ; mais pour rester honnête, on s'en tape !
Le film terminé, et très vite passé, on se rend compte que l'âge n'a finalement que peu d'emprise sur cette pellicule. Au contraire, on pourrait presque en devenir réac. C'est qu'à l'époque, les acteurs devaient être bons, mais aussi savoir chanter, danser, mimer, et faire du playback mieux, oh, bien mieux que maintenant. Ils étaient un élément essentiel et fondamental du film, bien plus qu'aujourd'hui où l'on peut remplacer sans même y penser Brendan Fraisier par Anne Hat-away ou Chiotte LaBoeuf par Jessica Albâtre (NDBaker : Je suis sûr d'avoir écrit une connerie, mais laquelle ?). Regardez donc le one man show époustouflant de Donald O'Connor, la véritable star du film, avec son Make 'em Laugh dont la rumeur dit qu'il lui fallût trois jours de sommeil pour récuperer (pas étonnant). C'était une époque où l'essentiel se passait sur l'écran, et pas autour. N'allez cependant pas vous attendre à des plans fixes tristounets, Kelly et Donen ont aussi fait du zèle dans la mise en scène, notamment concernant les travellings avant.
Ah ! Ces fameux travelling d'époque, où la caméra se met à pivoter de 30 degrés dès qu'elle commence à avancer ! Et mine de rien, le film regorge de petites touches de mise en scène attendrissantes : ce travelling arrière qui semble ne servir à rien au début de Broadway Melody, ce mi-travelling avant mi-plongée pendant que Gene Kelly (avec 40 de fièvre) se prend des trombes d'eau, ou encore, détail croquignolet, ladite pluie qui s'arrête de tomber pendant que la caméra entre dans une maison par la fenêtre ! Plus qu'un simple spectacle pour vieux, Chantons sous la Pluie est un vrai film bien conçu, artistiquement bien au-dessus de la moyenne du genre, et son succès n'a pas été volé. Vous pourrez le redécouvrir dans ce coffret double DVD où Warner, maison d'édition bien connue de nos services, n'a pas été avare. L'image est d'une clarté, d'une qualité globale éblouissante pour un film de 1952, la définition très fine, presque trop, et les couleurs chatoyantes, même si la colorimétrie peut parfois fluctuer au cours d'une scène. Le son est présenté dans un 5.1 très chiche, avec extrêmement peu de spatialisation : le mono d'origine suffira bien. VF ou VO, à vous de choisir. A l'époque il y avait aussi de vrais doubleurs.
Présenté dans un de ces très beaux boîtiers dont Warner a le secret, avec à l'intérieur un chapitrage totalement à l'ouest (NDDoc Gyneco : Eh, votre fournisseur il est secret aussi ?), Singing semble littéralement regorger de bonus. Une vision plus précise se montrera quelque peu décevante, tout en restant assez digne d'un tel bijou. Deux principaux défauts : la redondance, et le ton général très vieillot et surtout d'un politiquement correct définitivement Hollywoodien dans son essence. Tout le monde est magnifique, c'était le bon vieux temps, Gene Kelly était adorable (ben tiens) et nous avons beaucoup souffert pour toi, ami spectateur (et pas pour notre carrière car peuh ! quelle fortuitudité devant un tel amas de bonheur !). Gros morceau, un documentaire sur "les meilleures comédies musicales". Ouh la honte ! Sous ce documentaire se cache un vrai titre : "La carrière d'Arthur Freed à la MGM", ce qui n'est pas tout à fait la même chose, et ce bien que la MGM de 1929 à 1953 ait effectivement phagocyté le genre. Très intéressant pour les amateurs, tout comme ces deux bonus montrant les exraits et chansons d'origine composant le coeur du film. Déjà rendondant avec le documentaire, un making-of rétrospectif de 35 minutes permet de retrouver les survivants 50 ans après (Donald O'Connor étant sans aucun conteste possible le mieux conservé), avec quelques anecdotes gentilles mais qui semblent bien en-deça de ce qui a survécu à la légende du vrai tournage, à savoir des pleurs et des crises d'hystérie tous les trois jours. Le tout est coupé à l'eau par la charmante Debbie Reynolds qui donne un magnifique tour de force dans l'art de la flagornerie.

Quelques petits modules finissent de faire de ce collector un vrai cadeau pour les fans. Mais plus fort que les films, c'est la partie audio qui surplombe le tout. Notamment une heure et demie de sessions d'enregistrements alternatives : pur bonheur pour... les fans (sont pourris gâtés, eux). Autre gros morceau : un commentaire audio. A nouveau présenté par Debbie Reynolds, à nouveau redondant, à nouveau politiquement correct, mais extrêmement intéressant... pour qui s'accrochera. Non seulement il n'est pas sous-titré, dans la grande tradition Warner, mais en prime il mélange les voix, il y a des vieux qui grommellent, des accents très disparates, et pour être tout à fait franc, si votre serviteur n'a pas réussi à comprendre les 100% de cet ardu commentaire, c'est également parce qu'il est trop difficile de se concentrer dessus tout en regardant le film. En voyant les images, on a simplement envie de le revoir, ce fichu film ! Car une première fois absorbé, on découvre que Chantons sous la Pluie est de ces chefs-d'oeuvre bémols qui peuvent se repasser mille fois sans ennui. La patate, la niaque, la positive attitude qu'il fout au spectateur est immédiate et contagieuse. Pour 100 pauvres petites minutes, oubliez que ce 21ème siècle est une ode à la morosité, acceptez une dose homéopathique de mièvrerie, et laissez-vous transporter. Par contre, n'oubliez pas que Gene Kelly était un professionnel : n'essayez pas de le refaire chez vous. La CPAM n'apprécierait pas - mais Conforama, si.


10-02-2010

PS : Selon la légende toujours, pendant le tournage une robe trop étroite aurait laissé percer les poils pubiens de Cyd Charisse. Après reconfection du rebelle vêtement, le chef costumier serait revenu sur le plateau en criant : "Ayé ! M'ame Charisse est prête, on lui a léché le minou !". De la dignité ; toujours de la dignité.