Un concert tranquille et chaleureux, avec des moments de bravoure technique, le son et l'image doux comme tout

Note globale


Un peu long, avec des solos parfois trop hermétiques pour le profane ou trop répétitifs pour l'apprenti-zicos

Editeur : Eagle Vision
Durée totale : 2 h 48

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Image        PAL

Petit livret

A part le violet qui bave, et qui est présent partout, rien à redire : la définition est parfaite, la réalisation bien foutue, les couleurs très chaudes. Seul reproche, vous ne verrez jamais les mains de Corea quand il joue.
A part certains synthés moins présents que d'autres (le son du piano électrique est un peu lointain), rien à reprocher, c'est très beau, bien fichu, encore un grand succès de la collection.
Un sacré concert avec des trucs dingues sur tous les instruments. Des solos de fous et une connivence naturelle qui fait chaud au coeur. Mais un peu trop long pour passionner de A à Z.
Toujours le même livret sympathique.

La classe, ça ne s'improvise pas. Ca se travaille. Alors quand on se pointe sur scène avec les cheveux gras et une chemise à Carlos, il faut avoir beaucoup travaillé. Mais voilà, Chick Corea, il a travaillé, justement, on peut même dire qu'en la matière il a passé sa jeunesse à overdoser sous les doigtés. De piano, hein. Arrivé aujourd'hui à l'âge de la retraite, il n'a strictement plus rien à prouver. Pianiste de jazz ? Il a quand même accompagné Miles à son zénith. Novateur fusionneur (ah ah) du progressif et du jazz ? Pas de problème, souvenez-vous de la moindre note (il y en a un milliard par album) de Return to Forever. Compositeur jazz-rock contemporain ? Okay, vous avez l'assez méconnu Akoustic Band, et le génial (pas au début cependant) Elektric Band. Justement, à l'heure de commencer à se retirer doucement, et afin de boucler une histoire d'amour qui semblait avoir mal, ou curieusement fini, il s'est permis de téléphoner à 4 vieux copains, juste pour reprendre contact, et s'en est ensuivit un ultime album du Elektric Band, pas dans sa version II qui elle aussi est passée inaperçue, mais le "vrai", le pur, le beau, celui du génialissime Eye Of The Beholder. Et pile avant, ce concert.
On assiste à ce gig comme à une réunion d'anciens du collège. On a pris du poids, on a perdu des cheveux (mon Dieu, qu'il a changé, le père Gambale !) mais on se reconnaît et on s'amuse. Seulement là où certains évoqueraient le bon vieux temps, Corea préfère débuter par le plaisir pur du présent : l'album de réunion du groupe, joué dans son intégralité et en avant-première avant sa sortie. Un peu plus technique, plus difficile d'accès que ses prédécesseurs, moins porté sur la "technologie" (très peu de synthé) et laissant la part belle à Gambale et Marienthal, ce gros pavé de 75 minutes permet de remettre les choses en place : aucun des cinq n'a perdu de sa superbe, ça joue très vite, très bien, tout le temps, et les morceaux de bravoure sont simplement anthologiques. Débarassé de sa pochette immonde et de son concept très discutable (Corea a versé dans la Scientologie), ce "To the stars" réjouit. Un peu longuette, cette première partie est quand même une belle baffe. Mention spéciale à Dave Weckl dont le toucher de batterie est vraiment un summum de bon goût et de groove.
Histoire de ne pas frustrer ceux qui ne seraient venus que pour les classiques, le groupe, soudé et souriant, revient pour un second set de cinq titres. Cinq titres seulement ? Ca parait chiche mais ils durent vingt minutes chacun ! L'occasion, c'est d'ailleurs un peu le défaut de ce DVD, de continuer dans les longues impros quasi-solos qui parsemaient déjà le premier set. Chacun des musiciens, Patitucci en tête, reprend un peu trop la même recette qu'une heure auparavant et le concert aurait gagné à être un poil écourté de ces démonstrations techniques certes bluffantes mais un tout petit peu redondantes (voir par exemple Spain qui est magnifique mais reprend presque in extenso un mini-best-of des solos entendus pendant l'heure précédente). C'est là que le public jazz sera à sa jouissance suprême, et c'est également là que le public "moyen" risque de décrocher, ce déluge de notes pouvant lasser vite.
Car des notes, il y en a, et pas qu'un peu. On sera surpris de voir que pendant l'intégralité du concert (qui dure pratiquement 2 heures 50), le plus effacé et de très loin est le père Armando. Bien que compositeur principal pour ne pas dire exclusif, il semble tellement heureux de retrouver ses 4 mousquetaires qu'il leur laisse l'exclusivité des prouesses flamboyantes. Plus accompagnateur que soliste, il délivrera des parties de piano à queue et électrique comme toujours excellentes mais beaucoup moins matuvu qu'on pouvait l'envisager. A ce titre, si vous êtes venus ici pour vous saoûler avec des solos de piano enragés et ultra-techniques, vous en serez pour vos frais. Est-ce regrettable, destabilisant, frustrant ? Pas le moins du monde. Déjà, celà vous permettra de mieux apprécier la quintessence des mélodies, surtout pour ce fameux premier set que vous ne connaissez peut-être pas plus que le public ce soir-là. Ensuite parce que niveau technique, vous aurez assez à faire avec les autres.
Notamment avec Frank Gambale, encore lui, qui sur Got a match ? se permet un plan en sweeping qui doit être, je pense, le plus rapide jamais joué. Il ne dure qu'une seconde, à peine. Mais je vous assure qu'il y a de quoi en avoir la langue sur les pompes. On est habitués aux descentes de manche genre masturbation frénétique, mais si on devait rappeler l'importance d'une main droite rigide et précise, cette petite seconde devrait soit vous redonner envie de bosser vos aller-retour, soit vous pendre au chêne le plus proche. De même, si la plupart des batteurs de jazz s'amusent à mettre un souk pas possible à coups de balais, Weckl n'a pas oublié que de temps en temps, même au milieu d'un solo déjanté et presque arythmique, quelques coups de caisse claire bien simples et bien rock suffisent à donner à l'ensemble une cohérence inattaquable.

Et puis, il faut bien rassurer tous les acheteurs potentiels, même si cette débauche d'effets musicaux et de virtuosité extravagante semble ne pas être faite pour vous, vous aurez toujours au moins un moment de pure beauté musicale qui ne pourra que vous prendre aux tripes, musicien ou pas. Dans le cas présent, c'est le merveilleux Eternal Child, composition ultra-mélodique proche du flamenco rendue ici de façon brillante, un peu plus technique que l'originale mais sans en retirer la perfection. Si on devait faire un best-of des titres à même d'initier doucement les gens au jazz fusion, cette pépite figurerait en bonne place. Extrêmement bien reçue par le public, c'est quasiment le clou d'un concert très long, peut-être trop, mais qui donnera du plaisir à tout un chacun. Et pour une fois qu'un leader de groupe ne tire pas la couverture à lui, l'occasion est trop belle...

15 juillet 2004 - Festival de Montreux (Suisse)


01. Port View
02. Check blast
03. Mistress Luck
04. Port View
05. Johnny's landing
06. Alan Corday
07. The long passage
08. C.T.A.
09. Eternal child
10. Got a match ?
11. Spain
12. Blue Miles


Chick Corea - Claviers   
   Dave Weckl - Batterie
John Patitucci - Basse   
   Frank Gambale - Guitare
Eric Marienthal - Saxophone