Lordi et Apocalyptica impériaux, un bon paquet de bonnes chansons, hétéroclisme, ambiance de feu |
Note globale |
Les mauvaises chansons habituelles, et le palmarès final qui craint un peu (pas le n° 1, mais...) |
Editeur
: EMI
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Durée
totale : 6 h 42
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Image PAL |
Présentation
des groupes en sous-titres anglais |
Tout comme l'année précédente, une image somptueuse, très classe, avec des couleurs extraordinaires, une réalisation ample comme une robe du soir, mais plombée par la compression. Ah, si Blu-Ray m'était conté ! | ||
Je reste toujours bluffé par la qualité constante, sachant que le son mélange des bandes playback, donc direct de la console, des voix en live et un public caverneux. Ca n'est qu'en stéréo mais vu les conditions (direct), c'est totalement indiscutable. | ||
Ne mérite que 5 ou 6 si vous ne regardez que la finale, ce pour quoi vous auriez tort. Des daubes, des essais, et beaucoup de bonne humeur. Le clip de début et l'intermède valent l'achat à eux seuls, et le présentateur masculin ne ménage aucun effort pour vous faire sourire. | ||
Une interview moins intéressante que l'année précédente, mais pour compenser les artistes locaux "dans leur élément" : non, il n'y a pas que la France et l'Angleterre qui produisent des clips et des chanteurs à succès, et ce DVD est la meilleure façon de s'en apercevoir. |
Nous étions en 2006, et tout allait pour le mieux. L'Eurovision était un pauvre ramassis de tatas emplumées braîllant des technoïderies pour zombis clubbeurs, en moldave ancien ou en anglais Tchernienko, nous autres Français allions les pulvériser avec un chef-d'oeuvre intemporel, et personne n'allait regarder comme d'habitude. La routine. Et puis "ça" est arrivé, "ça" a osé fouler les planches de l'Eurovision, et l'impensable s'est produit : les gens les ont regardé, et ils ont voté pour eux. Hérésie. "Ca", c'était Lordi, vainqueur de 2006 avec une excellente chanson bien entêtante, simple, laissant place au refrain à scander, un rythme dansant, bref comme toutes les autres années. Sauf que c'était du hard rock. Des millions (dizaines ?) d'oreilles furent exposées à ce qui d'habitude est interdit. Autant d'esprits s'élargirent quelque peu, ce soir-là (pendant que d'autres se rétrécirent encore plus, l'intelligence de masse fonctionnant selon le principe des vases communicants). Et revoilà votre pauvre rédacteur et son fidèle Kaworu, un an plus tard, devant un poste de télé, notant les candidats. Un calvaire ? Non. Car depuis Lordi, beaucoup de gens se sont intéressés à l'Eurovision, et nous avons tous pu nous rendre compte que... Non, c'est trop drôle. Je le garde pour la fin. | |
En
tous cas, si la Finlande a su apporter un groupe chaleureux et déconneur,
elle n'a pas non plus lésiné sur les moyens lorsqu'il a
fallu, à son tour, organiser le concours. C'est la première
chose qui frappe : cette émission demande des moyens colossaux,
une préparation au mlllimètre, et de ce côté-là,
ça démarre très fort. La coutume veut en effet que
le vainqueur de l'année passée débute la cérémonie
en reprenant sa chanson phare. C'est donc, au grand dam de certains...
Lordi qui ouvre le bal. Avec un clip immense. D'un budget pharaonique,
d'un soin de maniaque, d'une prétention sans bornes, ce Hard Rock
Hallelujah version 2007 n'a qu'un but ; en mettre ouvertement plein la
gueule, et c'est plus que réussi. Effets spéciaux, blizzard,
hélicam, et au final nos monstres préférés
apparaissant enfin sur scène, dans un déluge de pyrotechnie.
La foule est simplement bluffée et devient immédiatement
hystérique. Ca c'est du spectacle ! Dans ta face Michou ! Mais
le plus impressionnant est qu'avec une grande implication de tous les
pays et deux présentateurs très sympathiques, cette ambiance
de folie ne retombera presque pas.
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Et 6 heures de visionnage plus tard, on peut dégager quelques tendances... Notamment, et là je ne pense pas me planter, que la victoire (écrasante, rappelons-le) de Lordi a mené certaines sélections à donner dans le dark, dans le grognard. Une métamorphose indéniable : par rapport aux tristes années technobeat, on voit ici beaucoup plus de vrais instruments (en playback mais tout de même), on entend dix fois plus de guitares, et le fossé tend à se creuser entre certains pays et d'autres, notamment les sempiternels Espagne, Angleterre et Russie qui ne savent plus quoi faire pour nous décevoir (sans parler de notre douce France). Egalement, une tendance de plus en plus nette au grand spectacle, dans tous les domaines. L'écran géant est fabuleux, les effets nombreux, cette année n'est pas riche en chorégraphies mais compense en technologie. Désireuse de marquer le coup, la Finlande a en prime réservé le privilège du "morceau en attendant le vote" au fleuron national, Apocalyptica. Qui porte bien son nom : c'est un condensé en dix minutes de tout ce qu'ils savent faire, avec rythme de boucher, acrobates somptueuses dans la salle, ils mettent le feu. Définitivement adieu, Marie Myriam (malgré toutes ses qualités). Enfin, dernière tendance, et là elle est indubitable : le niveau musical global a connu un énorme bond en avant. La preuve ? Ce qu'il y avait en finale, mais également ce qu'il n'y avait pas. | |
Car
même en demi-finales, on a eu du grâtin et du brûlé.
Un tour du propriétaire ? D'abord, évidemment les "djeunzeries"
habituelles. Le Danemark et son Eurobeat Drag Queen, aussi original qu'une
comparaison d'originalité par Baker, et avec un chanteur caricature
de Christian Clavier dans le Père Noel (NDBaker
: BRONSON ! AVEC NOUS !) ; le Portugal ou Las Ketchup si elles
avaient du talent (le public apprécie), la Norvège, d'ailleurs
aussi Norvégien que je suis Thaïlandais, tout ça est
d'une originalité zéro. A propos, passons vite en revue
les copies carbones : l'Albanie proposant l'idée qu'on se fait
d'une parodie de pop slave, Malte avec de superbes lumières mais
une chanson transparente, Chypre qui propose une Amanda Lear bis (pourquoi
ils n'ont pas représenté la France, eux ?), et les Pays-Bas
avec du Gloria Gaynor sympathique mais victime d'un transpose de la mort.
Il y a aussi les tarés : Israël qui fait du Didier Super tyrolien
avec bandes qui sautent et parties rap en français. Bien mais trop
barré pour l'Eurovision. La Suisse aussi, avec DJ Bobo qui prouve
que Giorgio Moroder n'est pas mort, qui se montre aussi sataniste que
Michel Berger (ou tout autre Michel), et qui chante plus faux à
chaque phrase. Andorre, nul, si nul qu'on dirait du rock Français,
avec chant ultra-faux, rythme Superbus et tout le toutim !
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Mais les "recalés" montrent non seulement du talent, mais également un avant-goût de ce que sera la soirée du surlendemain. D'abord, le culot sans la bêtise. La Croatie propose non pas un boys band local mais une pop raffinée qui fait penser à Luz Casal, très jolie et pas vraiment "Eurovision-style". La Pologne ose le "pop cabaret", vulgaire mais original (et médaillé au festival de la Cuisse d'Or). Et la Belgique tente le décalé complet avec une techno/disco/funk complètement fûmée, années 70 à mort, et assez extraordinaire dans le genre. Seconde avancée : les rythmes métallisés. L'Islande débute la fanfare avec un sosie de Terry Gilliam reconverti en chanteur de prog, et une chanson "pop-metal" un peu Calogero sur les bords. Viendront le Montenegro, avec un soupçon de J-Pop et un titre entre Thin Lizzy et Glay, la république Tchèque et son Florent-Pagny-metal avec le son de Krokus, l'Estonie et sa Pat Benatar locale, et l'Autriche avec de la pop un peu trop poussée pour passer sur les ondes gauloises. De bonnes surprises donc, et une vraie tendance contre laquelle on ne peut rien... sinon éliminer tous ces bons groupes (ils seront remplacés par d'autres parfois beaucoup moins bons). Manque de pot pour les amateurs de Xerox, d'autres loups sont déjà entrés dans la bergerie. | |
Vient
maintenant le passage où votre chroniqueur chéri ne va pas
trop (voire pas du tout) se casser la nénette : les bons, les brutes,
les truands. Autrement dit une liste bien grasse et bien étendue
des 24 artistes présents. Si vous êtes au régime,
passez votre chemin : ce texte va être long, long... aussi long
que l'émission, qui soit dit en passant se laisse regarder beaucoup
plus facilement qu'avant. D'abord, les mauvais de chez mauvais, les Boys
Band Eurobeat Technoïdes, ce que j'appellerai désormais les
"Yassou Maria" tant cette chanson en est un parfait condensé...
et on trouve toujours les mêmes coupables : l'Espagne qui démarre
très fort dans le genre (mais eux c'est chronique), la Grêce
qui elle aussi se spécialise (avec un chanteur très caricatural
à la Yassou Joseph), la Russie et ses sous-Spice Girls transparentes
(au moins la blonde est mignonne... comme les vraies dis donc), l'Angleterre
qui (après la Suisse et Moroder) a ressuscité les cadavres
de Stock Aitken et Waterman (au moins c'est plus frais (sic)
que les autres), la Macédoine qui nous fait un légumier
(arf) avec faux rythme raté, et la Turquie qui une fois de plus
a tenté de clô(w)ner Enrique. Tout ça devrait être
passé au pilori, mais bon, soyons grands princes : non seulement
il faut prôner la diversité musicale à tout prix,
mais en prime ce genre d'étron a reculé.
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Au profit d'essais pas toujours réussis non plus, hélas. La Georgie propose une alternative, par exemple : une fusion techno/rock... au chant faux et qui ressemble à du Björk sans les moyens. Au moins, il y a de la recherche. La Roumanie, un peu désespérée, se lance dans un brassage entre rap français et flamenco moldave. Le genre de disque qu'on imagine bien dans la discothèque du professeur Tournesol. La Bulgarie nous "offre" (non merci) un duo de percussions sur fond de trance horrible, avec un chant absolument horripilant. Et la France tente le second degré de façon discutable. C'est limité et mal chanté, mais au moins on s'est mis au niveau côté bling-bling, par rapport au festival Gaston Doumergue de l'année précédente. | |
Au
profit de choses pas très originales, voire pas du tout, mais qui
ne déparent pas dans la grande tradition de l'Eurovision, qui peuvent
plaire à tout un chacun au hasard d'un zapping sauvage. La Bosnie,
la Biélorussie et son chanteur Vincent Perrot, l'Arménie,
la Suède et son Tokio Hotel Glam Cabaret... Des choses qui ne révolutionnent
rien mais sont bien fichues, particulièrement la mise en scène
des Biélorusses. Au profit aussi d'une horreur ultime, l'Ukraine,
tout le mauvais goût d'un travelo entre Dalida et Trevor Horn période
Elton-Johnisse, une sorte d'hymne de gay pride à faire frémir
d'horreur le moindre mélomane. Profit qui comme d'autres marche
bien puisque cette "chose" est arrivée seconde, et que
la plupart des meilleurs places ont été trustées
par nos Yassou Maria (faudra vous y faire à celle-là) d'opérette
(non, l'opérette c'eût été mieux. Encore que.).
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Mais aussi, car s'il y a des premières places il y a aussi des dernières, au profit de bonnes choses, voire de très bonnes choses, en germe ou totalement accomplies, et en quantité aussi surprenante que pour les demi-finales. Dans l'ordre d'excellence : l'Irlande, qui a fini dernière sûrement à cause du chant calamiteusement faux mais instrumentalement très joli (et traditionnel, pour une rare fois). La Finlande qui tente de nouveau la carte du metal avec la spécialité nationale : le metal mélodique à chanteuse. Pas mal du tout mais la pauvre interprète, peut-être victime de stress ou de problèmes personnels, chante un peu à côté et ne donne pas l'impression d'aimer être sur scène ce soir-là (elle finira 17ème, ce genre de détails ne pardonne pas). La Serbie, une chanson jolie, agréable, rien de renversant mais avec un final pas évident. La Lettonie, avec une soupe ritale qui serait laxative si elle n'était pas portée par SIX chanteurs, tous excellents et très complémentaires. La Lithuanie et sa blueswoman, pas Eurovision pour un sou (elle fera un bide) malgré une bonne chanson et une idée de mise en scène nickel. La Slovénie qui balance en pleine chanson typée variété une voix lorgnant vers l'Opera, et le bon. La Moldavie, repêchée et huée à la demi-finale, qui s'en tirera finalement très bien avec une chanteuse vulgaire au possible mais naviguant sur les traces de... Malice Mizer (!). L'Allemagne une fois de plus en total décalage avec un crooner impeccable dans son registre, une sorte de Franz Sinatra. Et pour finir, la Hongrie avec une Janis Joplin de l'Est excellente à tous points de vue. Ouf, c'est fini. | |
Evidemment,
on regrettera que de tous ces bons titres, le mieux placé soit
la Hongrie (...le meilleur, quand même, l'honneur est sauf !) à
la neuvième place... Mais on se consolera avec la première
place de la Serbie, contre toute(s) attente(s). Gagnante Serbe qui proclamera
être heureuse que cette fois ce soit une chanson qui gagne,
et pas des effets. Pique contre Lordi ? Je n'espère pas ! Bonne
musique et grand spectacle ne sont pas incompatibles, même si sa
phrase peut également s'appliquer aux Yassou Maria en herbe. On
verra que l'année suivante, ladite pique a vite été
oubliée... mais ne sautons pas les étapes. Et restons encore
un tout petit peu dans cet Eurovision 2007... car on y est bien. On y
est très bien, même. Le public aussi, il n'y a qu'à
voir l'ambiance sur la place publique, aussi sensationnelle que... le
live de Lordi ! Même nos commentateurs français s'y sentaient
bien, avec de mémoire un Julien Lepers qui a carrément fait
du zèle pour effacer la bourde de Super-Michou ("ah mais Lordi
ils sont fantastiques... ils vendent des millions... ce sont des génies,
je... je... hmmmmmmm oui c'est bon..."). Vous aussi, vous vous sentirez
bien. C'est pas Score de Dream Theater ou Diana Krall à Paris,
mais on se sent bien.
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Et en prime, c'est là la finesse du truc, on apprend des choses. On apprend que le public, que les producteurs le veuillent ou non, est vraiment hétéroclite. Parce que mettre Serbie numéro un et Ukraine numéro deux, il faut vraiment ne pas avoir l'esprit étroit, "votes politiques" ou pas. On apprend aussi, et c'est assez triste, que décidément le niveau des clips est proportionnel à celui des musiques et que l'uniformisation des codes, par le bas évidemment, fonctionne dans tous les pays, même les anciens pays communistes. Vous trouverez dans ce DVD des clips monumentalement clichés MTV de... la Russie, la Turquie, la Grêce, comme par hasard ! Des clips pas mauvais des pas mauvais Biélorusses, Arméniens et Moldaves. Et un clip génial... de la Hongroise ! Abyssus abyssum invocat... S'il vous reste des forces, vous aurez la Serbe chantant le titre de l'année dans un magnifique playback (ah, ces respirations à un mètre du micro !) et nos amis Ukrainiens, où absolument tout le monde sur le plateau était bourré. Ambiance d'Eurovision donc : on picole, on chantonne, des gros monstres foutent le feu, de jolies demoiselles exhibent leurs molaires... mais surtout, et là je vais me faire un paquet d'amis, c'est la seule émission de l'année passant sur des chaînes publiques généralistes où l'on peut rencontrer une vraie diversité musicale. Ca, ça la fout très mal. Parce que pour revoir Lordi, Apocalyptica, du blues, du funk, du crooning, de la bonne variété et un vrai spectacle, c'est triste, mais vous aurez plus de chances en achetant ce petit double DVD sympathique, techniquement très honnête, et qui n'a d'autre prétention que de vous faire passer un bon moment. Entre amis, c'est plus sympa. Et de nationalités différentes si vous en avez les moyens. Goodbye, auf wiedersehen, ciao, et à l'année prochaine pour la suite de notre feuilleton dominical : "les Rouges vont-ils finir par nous envahir une bonne fois pour toutes ?".
avec la participation
très active de |
10 & 12 mai 2007 - Hartvall Areena (Helsinki, Finlande) |
Elitsa
Todorova & Stoyan Yankoulov (Bulgarie) |
Non
merci, ça ira. Savez pas lire au-d'ssus ?
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