Donald Fagen - The Nightfly trilogy


Réédition attendue d'albums insolents d'excellente, 5.1 qui fera les délices de nombreux amateurs, faces B percutantes

Note globale


Mais pourquoi, pourquoi, POURQUOI ne pas avoir plus simplement ressorti les DVD-A ?!

Editeur : Reprise
Durée totale : 4 h 23

 - - (PCM)

Image        NTSC

Paroles séparées
Liner notes et credits (à l'écran seulement)
CD audio rassemblant les faces B (bien fichu)

Mesdames et messieurs, bienvenue à bord de Baker Airlines. Nous allons atterrir sur l'atoll Donald Fagen. Vu la chaleur des musiciens et du son, la température doit bien atteindre les 37.2°, et avec les choeurs sensuels, l'humidité dépasse les 80%. Prenez un parapluie, il pleut des chats.

Donald Fagen est le chanteur/claviériste et principal (?) compositeur de Steely Dan. Pour les moins curieux d'entre vous, il s'agit d'un groupe américain donnant dans un jazz-rock joyeux et très pop dans l'esprit, mélangeant en gros (car c'est bien plus complexe) le son chaud typique des artistes de la Côte Ouest Américaine, des mélodies relativement mémorisables et accessibles, et des suites d'accords beaucoup plus complexes, voire volontairement destabilisantes. En 1982, Fagen a dissous son propre groupe le temps d'une escapade en solo. Il mettra près de 20 ans à reformer Steely Dan, et plus encore à achever deux autres albums formant une sorte de trilogie : l'adolescence (...mais laquelle ?) / la "midlife crisis" (où pour compenser l'on s'achète une grosse bagnole qui pue) / la fin de vie (la sienne et celle des autres). Les trois albums reçurent un succès critique immense. Assez pour que Warner/Reprise ressorte ces trois albums dans ce format à l'agonie qu'est le DVD-Audio. DVD-Audios eux aussi unanimement salués par les professionnels de la profession.

Seulement... fallait se réveiller plus tôt. A peine la qualité de ces jolis et onéreux objets révélés, que ces pauvres DVD-A étaient déjà en rupture de stock. Et pendant des années, écouter Donald Fagen en 5.1 requérait soit un acte de piratage, soit débourser dîme comptante sur eBay. Aussi, l'annonce de la réédition de ces trois petits bijoux sonna comme une prophétie, l'avènement de Le Christ, le retour du 5.1 vengeur. Annonce embellie par le rajout de bonus : faces B, clips, interviews, liner notes. C'était trop beau pour être vrai. Parce que certes, le DVD-A est presque mort, mais il y a une différence entre presque mort et raide mort. Le raide mort, faut lui faire les poches pour voir s'il y a un peu de fric... Et d'ailleurs, n'avait-on pas assisté aux funérailles d'un foetus mort-né, voici peu ?

Reprise... Warner... 5.1... et le ventre était encore fécond, d'où surgit la bête immonde. La trilogie Nightfly ressortit donc, à un prix décent (plus ou moins), et en 5.1 de qualité... mais en MVI. Oui, le MVI : Médiocre Vide Intersidéral, ou Minable Vision d'Indigence, ou Multi-Voleurs Inc, ou Ma Vue Irrite (mon ouïe surtout), le MVI quoi, ce magnifique nouveau concept qui a fait plouf au bout de trois sorties... Vous aurez donc les mixes surround en Dolby Digital (qui se défend, mais de moins en moins bien) et en DTS, mais ces andouilles ont purement et simplement viré la piste DVD-Audio. C'est ça, des andouilles de Vire. Ca coûtait trop cher, de faire un copier-coller du répertoire AUDIO_TS ? Hein ? C'était pour éviter de faire fuir le consommateur, apeuré par le logo "DVD-A" ? (...c'est vrai que le logo MVI, ça fait tellement envie !). C'était une question de place ? Il y avait sûrement un compromis possible ! Toujours est-il que si cette ressortie est louable, tant dans l'idée que dans les faits, difficile de pardonner cette hérésie. M'enfin, le mal est fait, et comme vous allez le voir de suite, le bien aussi.


THE NIGHTFLY

Le disque : Après la dissolution de Steely Dan pour partir en solo, on se doutait que Donald Fagen n'allait pas donner dans le heavy metal ou la pop anglaise. De fait, les premières secondes de Nightfly rassurent, comme s'il était besoin de se rassurer. Le style YDan est toujours présent, à ceci près que les paroles se faisant un peu plus personnelles, la musique perd (un peu) en ironie mais gagne en groove et en mélodie. Mais tous les ingrédients sont là : rythmes chaloupés, grooves de basse soutenant tout l'édifice, couches d'instruments, cuivres, accords compliqués, avec - plus que dans son ancien groupe - des lignes de chant facilement mémorisables, presque purement pop par moments, mais ne se déparant jamais des entournures jazz et d'un son typiquement américain.

Nightfly fût un très grand succès, autant pour les critiques que pour ses ventes, et la raison en est vraiment simple : au soin général qui est la marque de fabrique habituelle de Fagen, se rajoutait une sorte de vibration positive ensoleillée donnant à l'auditeur envie de rire, de chanter, et même de danser - Steely Dan s'en approchait mais sans jamais y verser complètement. Seule la belle Maxine laisse paraître de la nostalgie, les autres chansons allant de l'entraînant à l'euphorique (les deux derniers titres semblant sortir tout droit d'un séjour en Jamaïque). Ce qui est bizarre quand on s'aperçoit que ce premier volet de la trilogie Fagen est axé sur les souvenirs d'enfance. Enfance alternative, rêvée et non régurgitée : ouf. C'est pour ça. Non, à un moment on aurait pu croire que la vie était belle. Mais du coup on est rassurés...

Pour arriver à ce résultat, Donald Fagen s'est passé de son compère Walter Becker. Certes. Mais un album autant adulé, avec autant de succès et autant de succès (le et les), ne se construit pas en un jour. Alors vous qui avez toujours nié la puissance des rouleaux compresseurs américains de la côte ouest, vous qui cherchez un album où vous pourriez comprendre comment fonctionnent les génies, vous qui avez bien sûr déjà essayé Thriller mais voudriez une seconde opinion, jugez un peu du casting... Les frangins Brecker aux cuivres, Larry Carlton, Dean Parks et Hugh McCracken à la gratte, Laboriel, Lee et Miller à la basse, Phillinganes aux claviers, Jordan et Porcaro à la batterie... et je ne cite que les plus connus ! Un who's who de la musique californienne. Le résultat ? Un album enchanteur dès la première écoute, ce qui est très rare dans ce genre d'exercice, et qui continue de dévoiler ses charmes bien après que le disque soit devenu lisse.

La technique : L'un des premiers albums à avoir été enregistré en digital (et sûrement de ceux qui précipitèrent la chute inexorable du 33 tours dans la communauté jazz), The Nightfly bénéficie d'un son d'une propreté à toute épreuve. Sur certains passages, bien malin sera celui qui pourra affirmer que ce disque date déjà d'il y a 27 ans. La stéréo est donc fantastique, comme quasiment tout ce qu'a touché Fagen dans sa carrière, et le 5.1 vient plus l'épauler que lui donner un coup de fouet. Du moins sur la première "face", où les effets surround sont souvent présents, mais relativement discrets. Il faut attendre la face B et New Frontier pour que vos enceintes arrières commencent à vraiment donner de la voix, préfigurant ce qui sera l'apanage du reste du coffret : percussions et licks de guitare bien isolés pour rajouter de la précision à la précision. Les choeurs sont également mis en valeur à l'arrière, ainsi que quelques effets comme les carillons. Du beau travail, mais moins percutant que Billy Joel ou même Gaucho dans le genre.

Les bonus sont éminément sympathiques. La "face B" True Companion par exemple : elle "fait" face B, mais avec quelle classe ! Ce quasi-instrumental, composé pour le film Heavy Metal, bénéficie d'un solo de guitare bien plus rock que d'habitude qui se fond parfaitement avec le reste. Si vous avez un système Dolby, la spatialisation fait en prime des miracles, laissant un regret amer de ne pas avoir toutes les faces B en DTS. De même pour Century's End, qui est la moins bonne chanson du disque... c'est dire le niveau ! Il s'agit en fait d'une sorte de compilation de tous les éléments de The Nightfly réunis en 5 minutes. Et histoire d'humaniser un peu ledit album, on a droit à une version live de Green Flower Street, bien sympathique (même si le passage en Dolby lui fait inexplicablement perdre de la chaleur). Pour couronner le tout, deux clips, et pour du 1982 c'est hautement recommandable. New Frontier est drôle, ironique et parfaitement dans l'esprit global de l'album ; quant à Century's End, il est plus anecdotique mais offre de belles vues de la Grosse Pomme. Son sympa, clips sympas, faces B sympas, tout est sympâ, quoâ. Sauf l'album. Lui, il est grand. Et si le 5.1 ne le grandit que modérément, c'est aussi parce qu'il n'arriverait plus à passer le portillon.

5.1 (39 min)

01. I.G.Y.
02. Green flower street
03. Ruby baby
04. Maxine
05. New frontier
06. The nightfly
07. The goodbye look
08. Walk between raindrops

Clips (9 min 5.1)

01. New frontier
02. Century's end

Bonus audio (15 min PCM)

01. True companion
02. Green flower street (live)
03. Century's end


KAMAKIRIAD

Le disque : Les années 90 furent ce qu'il y avait de pire pour certaines musiques en général, et pour Fagen en particulier. Un blocage d'écrivain l'empêcha de donner une suite au triomphal Nightfly, et il lui fallût neuf longues années avant de se ressourcer, allant jusqu'à demander un petit coup de main à son éternel camarade Becker. Entre Public Enemy, Nirvana, 2 Unlimited et Whitney Houston qui prenaient les ondes en otage comme on braque une banque, Fagen s'est permis de sortir pépère son petit Kamakiriad, album au semi-concept fumeux parlant d'une virée dans le présent à bord d'une bagnole fantasque. Un Kamakiriad où vous ne trouvez, à quelques grammes près, absolument rien qui laisse deviner la date de sa sortie. On reste dans le parfait giron de Aja, Gaucho, et évidemment... Nightfly.

Et dès l'intro du disque, on retrouve de bonnes sensations : ces improbables riffs bruitistes, ce son miraculeusement propre, ces pianos, tous électriques et tous passés au 110 volt, cette batterie fabuleusement West Coast, et la voix qui ne fait jamais d'étincelles mais toujours savoureuse narratrice. Par rapport à l'opus précédent, on note un peu plus de cuivres, d'accords suspendus, de flottement dans le groove, et une certaine radicalisation des mélodies revenant au "faux jazz" de Steely Dan. Le tout étant porté à son paroxysme sur le final Teahouse on the Tracks où Fagen se permet de faire applaudir un solo en plein milieu de chanson, comme si l'on était dans un club de jazz. Enfin, On The Dunes offre une suite d'accords fabuleuse que seul Donald peut nous concocter. Du pur porc ?

Pas tout à fait. Malgré tous les efforts, la bonne volonté, et le risque qu'était de sortir un tel album en 1993, Kamakiriad ne se hisse pas au niveau de son prédécesseur. Les chansons, sublimes en apparence, souffrent d'une trop grande homogénéité. Il n'y a pas de "Maxine" ou de "What I do" ici. Mais le sentiment d'étouffement ne provient pas que du style, il y a aussi le problème des durées. Toutes les chansons, de la première à la dernière, durent deux minutes de trop. La répétition des accords associée à celle du style mènent l'auditeur à un léger, oh, très léger baîllement. Et la linéarité de l'album tue dans l'oeuf les velléités d'album-concept-futuriste, qui il est vrai ne sont pas bien lourdes (Fagen le dit lui-même : c'est un album concept. Ou pas.). Alors Kamakiriad, l'album de trop ? Sûrement pas, ses écoutes répétées permettant de mieux cerner ses défauts mais aussi ses limpides qualités - comment ne pas aimer le kitsch consummé des cascades de synthé de l'hivernal Snowbound ? C'est un petit pas pour Donald, mais un grand pas pour Steely Dan qui, après une seconde petite panne, remit le couvert à la grande joie des jazz-rockeux qui ne s'assument pas. Mais la vie va et vient, et Donald allait encore nous sortir un album de derrière les Fagen.

La technique : Kamakiriad est un manque de pot pour Warner. Un manque de pot (catalytique) car la rédaction l'avait déjà humé et dégusté en vrai DVD-A. Le constat est amer : oui, il y a une vraie différence entre le "format MVI" et le format DVD-A pur. Pour les audiophiles s'entend (arf). Car pour le commun des mortels, il faut avouer que ce remix 5.1 d'un album datant de déjà 16 ans est assez fantastique. Le DTS se montre plus agressif et plus varié que Nightfly, sans perdre la chaleur de l'album originel, ni trop le trahir (peut-être à la rigueur ces cordes sur On the Dunes qu'on ne remarquait pas avant). La roborativité de l'album est inchangée car les effets surround font plus souvent office de gimmicks (encore que, cette intro aux infrabasses mélodiques qui se promènent...). Mais globalement, le DTS permet de tester à la fois votre chaîne hi-fi et la capacité des nouveaux musiciens accompagnant notre éternel bougon. La comparaison auditive ne tient plus la route lorsqu'on aborde le Dolby Digital : il est mixé plus fort que le DTS, et se montre plus percutant, mais il montre rapidement ses limites. Les cymbales font ksss ksss, les infrabasses broutent, le pauvre a du mal à tenir la distance. Ah c'est sûr, il y aurait eu la piste DVD-A, c'eût été mieux. Quoi, monomaniaque ?

Si l'album peut se montrer quelque peu décevant, il n'en sera pas de même pour les bonus. Quel est le pire affront que puisse subir un album ? Que ses faces B lui soient supérieures. Et c'est le cas ici. Confide in Me donne dans un shuffle rock endiablé dont Kamakiriad aurait eu besoin pour s'aérer, Blue Lou est un standard de ballade jazz de facture totalement classique - ce qui est justement original pour Fagen - et Shangai Confidential est un instrumental libérant une guitare jazz au solo endiablé. Mais plus délicieux encore sera Big Noise New York, une démo faite à la maison made in Fagen largement digne d'un album, cocasse, reprenant l'esprit de The Nightfly en poussant encore plus immodérément l'amour de New-York, naviguant jusque dans les eaux territoriales de Joe Jackson. Tout aussi intéressant mais moins consistant, se trouve une interview (audio, et non sous-titrée) de Fagen datant de la sortie en 1993. Interview sinon passionnante, du moins informative, coupée hélas par un trop grand nombre d'extraits du disque. Récompense pour votre assiduité : deux clips, et si ceux de 1982 étaient bons, il n'y avait aucune raison que ceux de 1993 le soient moins. Gagné : Tomorrow's Girls est un remake de New Frontier, en remplaçant les communistes par des aliens et un acteur inconnu par Rick Moranis. Snowbound est une petite merveille dans le genre : un film d'animation où des grosses têtes conduisent de petites bagnoles, avec notre ineffable Fagen qui fait la tronche et se bastonne façon Snoopy. Un film léger, inventif, qui n'est pas sans rappeler les travaux d'Henry Selick.

5.1 (50 min)

01. Trans-island skyway
02. Countermoon
03. Springtime
04. Snowbound
05. Tomorrow's girls
06. Florida room
07. On the dunes
08. Teahouse on the tracks

Clips (9 min)

01. Tomorrow's girls
02. Snowbound

Bonus audio (59 min PCM)

01. Big noise New York
02. Confide in me
03. Blue Lou
04. Shanghai confidential
05. 1993 promo interview


MORPH THE CAT

Le disque : 11 septembre 2001. Alors qu'il prend un petit déjeuner dans sa cuisine, Fagen est bruyamment dérangé par les voisins de la grosse tour qui lui gêne la vue. Il appelle le commissariat pour se plaindre, et voilà que les sirènes vont l'empêcher de dormir pendant plusieurs jours. Cette petite anicroche de voisinage digne de Julien Courbet, ainsi que le décès de sa mère, le mèneront à enregistrer Morph The Cat, dernier volet d'une fausse trilogie où il se penche cette fois sur la fin de la vie. Glok. Pardon, glauque. Mais Fagen a toujours su démarrer ses chansons, et encore mieux ses albums, et l'intro de Morph..., la chanson, ne laisse aucun doute : quoi qui se passe, ne pas prendre les choses trop au sérieux. Parait-il que ce disque est triste, maussade, profond et mortifère. Il en faudra, des doses de pessimisme, pour le comprendre et l'assimiler. Parce qu'avec ce groove de départ, totalement ironique, narrant les aventures vengeresses d'un super-héros félin foireux qui veut sauver New-York (c'est un peu tard non ?), impossible de ne pas bouger son popotin, claquer des doigts, et sourire.

Tout le disque est un élégant numéro d'équilibriste entre sujets sérieux et refrains délirants, avec en point d'orgue ce Brite Nitegown où Fagen se la pète petite caillera qui va marave sa face à Madame la Mort. Les chansons suivent toutes exactement le même cheminement qu'avant, avec toujours et immuablement la suite d'accords principale en intro. Lassant ? Non, pas quand la qualité des chansons atteint ce niveau - quasiment le même que The Nightfly. C'était inattendu, mais Morph the Cat réussit un petit exploit dans son genre. Et puis, parce q'il faut bien arrêter de rire de temps à autre, Fagen nous offre What I Do, une merveille de sensibilité, qui sonne effroyablement comme une épitaphe. Une belle et émouvante épitaphe. Et si vous préférez le côté Steely Dan de ses compos, vous vous consolerez rapidement avec les solos. Morph the Cat est un vivier de solos, et contrairement à Kamakiriad, ils n'allongent pas les morceaux au-delà de la frontière interdite. On pardonnera même le solo de trompette de The Great Pagoda qui vous rappellera immanquablement la Vie en Rose (NDBaker : Surtout après cet article, tiens), pour se délecter de parties instrumentales magnifiques, pas souvent techniques, voire jamais, mais toujours en place. En bonne place. Et attention, si après la reprise maligne du groove diabolique vous voyez un chat voler par votre fenêtre, ne devenez pas parano. Il a sûrement pris un coup de pied au cul parce qu'il fumait des pétards.

La technique : Morph the Cat a été élu "disque surround de l'année" en son temps. ce n'est pas pour rien. Bien qu'il reste dans le degré de subtilité de ses acolytes, Morph propose un surround assez élaboré pour plaire au plus grand nombre. Là encore, le 5.1 sert surtout à des gimmicks, mais c'est si bon ! Ces petites cocottes de guitare à peine effleurées, qui viennent chatouiller vos lobes. Ces choeurs qui se détachent bien du reste sans pour autant les écraser. Ces percussions qui vous tournent autour telle une mouche à viande. Y rajouter un élément essentiel : les basses, qui restent d'ailleurs le seul défaut tant leur force gigantesque mettra à mal les enceintes même de moyenne qualité. D'ailleurs, c'est là que ce pauvre Dolby Digital abdique totalement. Si vous n'avez qu'un lecteur Dolby, n'achetez pas ce coffret pour Morph, il en est inécoutable. Les autres, préparez-vous à décoller (du siège) et recoller (le papier-peint). La batterie sonne monstrueusement proche, et cette fois même le traditionnel piano électrique vient squatter votre appuie-tête. Du beau boulot, même si un chouïa trop exigeant.

Curieusement, ce joli album n'a pas donné lieu à des clips. Les seuls bonus seront donc audio, mais là encore, la qualité est au rendez-vous. Une autre interview est présente, mais bien plus concise et enjouée que la précédente, et bien qu'il parle de sujets graves, Donald exhalte l'humour noir qui le caractérise. Deux reprises live permettent d'échapper au style du disque : Hank's Pad, big band à la Cab Calloway, et Viva rock'n'roll où ah que l'on retrouve Johnny Dan. Waukhainwaull ! Et si jamais vous n'étiez pas convaincus que les faces B de Donald Fagen sont aux faces A ce que le kirsch est à la banane flambée, jetez une oreille sur Rhymes. Gros son rock FM limite Foreigner, guitare grassouillette de Todd Rundgren, choeurs à la Heaven 17, on est assez loin des jazzeries habituelles, et c'est tant mieux. Tant mieux pour le grand courant d'air qui s'ensuit. Ce n'est pas que le style de Morph the Cat nous ait ennuyé, oh que non, bien au contraire. C'est juste de la gourmandise.

5.1 (52 min)

01. Morph the cat
02. H gang
03. What I do
04. Brite nitegown
05. The great pagoda of Funn
06. Security Joan
07. The night belongs to Mona
08. Mary shut the garden door
09. Morph the cat (reprise)

Bonus audio (30 min PCM)

01. Rhymes
02. Hank's pad (live)
03. Viva viva rock'n'roll (live)
04. 2006 World Café interview


Jolie escale donc, cet ilôt Fagen. Quand la musique est bonne...bonne bonne bonne... et que le surround donne... donne... do... qué ? se vend, pardon. Faut pas déconner. Jolie escale oui, malgré l'adage : "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme", puisque nos DVD-A (qui existaient déjà, il suffisait de les dupliquer, je le répète) ont été changés en une citrouille visqueuse que Warner a tenté vainement de faire survivre sous respirateur. Peine perdue : les DVD-A originaux de Donald Fagen se vendent toujours à la sauvette à prix de platine, et le MVI (répétons son nom une dernière fois) est mort, enterré, décomposé et les feux follets pissent sur son cadavre. Tant mieux. Il a presque défiguré trois très beaux albums qui trouvent malgré tout ici un écrin joli.

Merci d'avoir encore choisi Baker Airlines, et désolé pour les turbulences, le commandant est bourré. Notre prochaine étape fera escale en Génésie Antique, afin de visiter ce qui était inaccessible pour cause de rénovation, puis nous atterrirons sur l'Ile des Têtes Parlantes, un long voyage qui sera présidé par notre commandant en second David Byrne. Des Têtes Parlantes, hum... pour la Nightfly Trilogy on aurait préféré des Têtes Pensantes, mais bon... quoi, monomaniaque ?


01-06-2009