Un film à la qualité intrinsèque étonnante, la qualité d'image surprenante pour un "MGM budget"

Note globale


Quelques clichés série B 80's qui ont la dent dure, la fin très belle mais qui a eu peur d'elle-même, zone 1 uniquement

Editeur : MGM
Durée totale : 1 h 34

(UK)

Image        NTSC

Sous-titres anglais et français
Bande-annonce (1 min uk non st)

C'est LA grosse surprise de ce DVD : les couleurs sont chaudes, le master relativement propre, la définition bonne, très loin de ce qu'on pouvait craindre. Il y a même la version recadrée pour les abrutis qui aiment les têtes coupées.
Pas de 5.1 mais un "ultra-stéréo" qui, s'il avait fait rire à l'époque de par son appellation, mérite d'être redécouvert en digital : vos deux enceintes auront rarement été aussi complémentaires.
Belle adaptation libre avec un grand respect de valeurs fondamentales et des ajouts tout à fait dans l'esprit original. Dommage que le spectre de Menahem Golan plâne encore sur quelques plans...
Des sous-titres français, bons en plus, et la rare et pas mal foutue bande-annonce d'époque.

Gaston Leroux doit se retourner dans sa tombe tellement vite qu'en le foutant à l'horizontale on pourrait creuser des gazoducs avec. Depuis 20 ans, son Fantôme, qui était déjà un immense classique, connaît un énorme regain d'intérêt. Las ! Quand il n'est pas adapté par Andrew Lloyd Webber, qui trouve le roman original mal écrit (et Jesus-Christ Superstar, c'est du Baudelaire peut-être ?), il est réadapté par Joel Schumacher, réalisateur réputé pour son bon goût et sa finesse, qui fait un copier/coller de Webber, bravo, merci, adieu. Et quand un maître de l'épouvante décide d'approfondir le côté horrifique plutôt que le côté musical, on a droit à un nauséabond navet aux morilles qui a fait rire jusqu'à Bernard Borderie et John B Root. En réalité, jusqu'à présent, la meilleure "adaptation" du roman de Leroux est la plus éloignée du texte original : Phantom of the Paradise. Eloignée du texte, pas de l'esprit. Car ce mélange d'amour de la musique et de conte d'horreur, mine de rien, c'est une dualité qui doit être parfaitement balancée. En celà, je suis navré de le dire, de l'avouer même, mais cette petite production de série B est très certainement un des meilleurs hommages rendus à Gaston Leroux.
En 1989, Robert Englund, acteur sympathique qu'on a connu débutant dans la géniale mini-série 'V', est au faîte de sa gloire. Son rôle de Freddy Krueger en a fait LE personnage du cinéma américain des années 80. Enquillant les Freddy les uns après les autres, il recherche un rôle différent, tout en sachant que faire le croquemitaine lui rapportera un joli magot. Une adaptation "sanglante" du Fantome... traîne alors dans une nouvelle société de production, "21st Century Films" (qui d'ailleurs ne survivra pas assez longtemps pour le voir, le 21ème siècle). Malgré le fait que ladite société soit parrainée par Menahem Golan, producteur d'éblouissants chefs-d'oeuvres tels Portés Disparus II ('This time it's Chuck Norris' brain'), ou encore Superman IV et ses câbles en nylon qui traînent partout, le script se montre assez alléchant pour aller au bout d'une réécriture, par l'obscur Duke Sandefur (un pseudo ?), qui a une idée aussi géniale que culottée : moderniser le roman dans son époque, tout en gardant son délicat fumet de 19ème siècle. Pari qui ferait dresser les cheveux sur la tête... surtout avec une maison de production limite Cave à Momo et un acteur "cantonné" dans un rôle ultra-prévisible.
Seulement voilà, même si le film a des défauts, parfois même des gros, il s'agit de l'adaptation du roman la plus pure qui soit. Pure dans le sens noble du terme : certes, les libertés prises avec l'histoire originale sont plus proches du gouffre béant qu'autre chose. Sans vouloir spoiler, le film commence au 20ème siècle, dans un New-York bien contemporain (avec deux tours en plus), puis nous revenons à l'époque du roman originel. Et sincèrement, je ne comprends pas comment personne n'a pu y penser avant 1989 tellement ce twist de scénario est totalement respectueux de ce que Leroux a voulu décrire dans cette version macabre de la Belle et la Bête : l'amour et la musique sont les deux seules choses éternelles. Bon, vous n'êtes pas forcés d'être d'accord, mais la vision de ce film aura du mal à vous convaincre du contraire. Le pari de Dwight H. Little (réalisateur tâcheron, entre autres de Halloween IV, qui ici s'est surpassé), c'est de donner à Robert Englund un rôle semblable à celui de son célèbre Freddy : le fantôme est un tueur psychopate, hideusement défiguré et aussi amer que cynique. Mais totalement dévoué à sa musique, à sa Christine (intelligemment appelée non pas Dée, mais Day, sachant que Englund joue le fantôme de la Night. Oui c'est bête, mais c'est à croire que Leroux l'avait fait exprès.).
Du coup, une "réelle crédibilité" vient renforcer la vision du film, le Fantôme étant un tueur sanguinaire mais avec un sens de l'honneur éblouissant (il détrousse les piliers de bars pour donner un pourboire aux prostituées qui sont les seules à accepter de l'approcher, idée très belle et très romantique au cours du film). Et la Christine est...tout ce qu'on a désiré voir dans ce rôle : elle est belle à se damner (quelles cuisses, quels yeux !), elle est douce et fragile mais ne se laisse pas marcher sur les pieds, elle chante avec un coeur de centrale nucléaire en fusion... Bref, absolument tout ce que le personnage original était aussi. En réalité, le seul détail qui manque, c'est le lustre (et encore, si on réfléchit bien, il est présent, deux fois en plus). Au niveau dramatique, il est, presque avantageusement, remplacé par une version plus élaborée de la scène de bal ainsi qu'une inédite et jouissive chasse à l'homme dans le labyrinthe des égoûts. Sinon, la Carlotta, le chasseur de rats, l'orgue et ses chandeliers, l'ange envoyé par le père, quasiment TOUT ce qu'on pouvait attendre d'une adaptation fidèle et respectueuse se retrouve ici. Sauf qu'il y a des ajouts. Qui nous amènent tout droit à la révélation finale.
Eh oui, on dirait que nos petits amis nécrophages qui ont soi-disant adapté fidèlement Gastounet ont oublié que le fantôme est un compositeur qui écrit pour Christine. Sauf Webber qui lui n'a pas oublié, hélas. Bref, cette version "cheap" mais pourtant hautement recommandable présente une chanson "sur mesure" qui possède toutes les qualités des deux personnages qui gravitent autour : une mélodie sublime, belle, fragile, triste et immortelle. Le compositeur Misha Segal a donc dû être touché par la grâce quand il a écrit "Dom Juan Triumphant" qui porte le film d'un bout à l'autre, de façon absolument éblouissante, et, tenez-vous bien, tout en gardant le côté moderne de cette adaptation. Au bout de la deuxième écoute, il vous semble déjà connaître par coeur cette mélodie, comme si vous l'aviez toujours connue, comme si elle avait toujours été là, intemporelle, et c'est très précisément le but et le thème du film. Même l'écriture de la musique en tant que telle (partitions, orchestrations, versions démo etc) est traitée avec respect et justesse, chose dont bien peu d'adaptations peuvent se vanter.

Alors bien sûr, on pourra regretter pas mal de défauts hors-musique : quelques ralentis bien pourris, un manque cruel de budget sur deux/trois plans, la "fin" pas assez longue avec son emprunt/pillage à DePalma, le côté "série B années 80" qui malgré tous les efforts est bien présent. Mais soyons sérieux cinq minutes : ambiance Victorienne (Dwight Little a été traumatisé par le Jack l'Eventreur de David Wickes sorti juste avant le tournage), une Christine adorablement belle et pas fade, un Fantôme laid, dangeureux mais brillant compositeur, la cave avec l'orgue et les chandeliers, une chanson écrite pour Christine, le thème de l'immortalité, un twist sympa et brillamment exploité, que demander de plus ? Ah oui, une sortie en France. Ben oui, vous n'alliez tout de même pas croire que MGM allait sortir ce mineur bijou chez nous ? Ils sont trop occupés à sortir la cinquième édition du Silence des Agneaux. Si vous lisez les Zone 1, n'hésitez pas à découvrir ce film très largement passé inaperçu dans notre jolie contrée. Sinon, il ne reste plus qu'à attendre. Et rappeler à MGM que si la musique et l'amour sont éternels, la patience des DVDphiles l'est largement moins.