Bonnes idées, film pas ennuyeux, technique soignée

Note globale


Trop de pompe sur un autre succès, pas assez de musique, y compris dans les bonus, pas de sous-titres

Editeur : Studio Canal
Durée totale : 3 h 06

 - -

Image        PAL

Commentaire audio
Bande-annonce (2 min)
"Promoreel" (4 min)
Making-of (40 min)
Scènes coupées (8 min avec commentaire optionnel)
Avant-premières (6 min)
Clip du playback bien nul (4 min)
Interviews (27 min)

Définition parfaite, colorimétrie épatante, compression relativement bien maîtrisée, bref du très bon. Seul souci : les quelques effets spéciaux ratés le sont encore plus avec un transfert aussi pointu.
Les deux pistes surround, et particulièrement le DTS, donnent pleine force au très joli score d'André Manoukian. Le DD 5.1 ajoute plus de réverb, mais perd un peu d'éclat. La stéréo est propre. Mais si le score et les effets sont spatialisés, ce ne sera pas du tout le cas des chansons de Hallyday.
Un film qui ne passe pas à côté de son sujet, mais de son potentiel. De bons moments, joli, se laisse très agréablement regarder, mais on aurait aimé plus. On devient exigeants avec l'âge, hein ?.
Une bande-annonce nulle (on raconte le film dans l'ordre), une autre trop longue et montrant des archives pas dans le film, un commentaire audio correct mais pas éblouissant, un making-of sur le tas, des interviews plus ou moins enfumées, plus pour les cinglés un picture disc et une statuette qui bouge le bras. Pas mal.

"D'abord, tu dis jamais Ah Que !". Ah que merde. Alors que tout le mythe de Johnny, ah que ce serait faux ? Ah que ça peut pas être faux mon PPD ! Que Johnny, il est jamais faux ! (NDBaker, qui a horreur d'être interrompu par lui-même : C'est "vrai" que Johnny faux, c'est quand même vachement rare.). Bon, alors on change d'intro. C'est ça la magie du cinéma.

Ooooooooooooptic 2000 ! Bon. C'est vrai que le dernier single de Johnny a cartonné : quatre secondes et 2 milliards de passages en public, record absolu, merci. Mais à part ça, Johnny, c'est aussi le chanteur vivant préféré des Français. Devant Aznavour, ce qui est quand même énorme. Et Johnny, c'est également un acteur, pas si mauvais qu'on l'en a dit (LARGEMENT pas si mauvais), et qui s'est déjà éclaté devant la Grosse Boîte en Fer, comme dans le délicieux Wanted (kro bientôt) ou Conseil de Famille, un film du génial Costa-Gavras, avec dans un p'tit rôle... Fabrice Luchini ! Les deux hommes étaient donc destinés à se recroiser le temps d'un tournage. Ce fût donc ce Jean-Philippe, comédie de science-fiction (comme Retour vers le Futur, référence totalement avouée), qui part d'un postulat très simple et diantrement efficace : et si Johnny Hallyday n'avait jamais existé ? Autrement dit, si une petite partie de notre vie quotidienne de Français moyen disparaissait à notre insu, mais qu'une personne, elle, s'en était rendu compte et disposait de sa mémoire pour reconstruire les preuves de ce manque. Mise en abîme, réflexion sur la célébrité en tant que vérité tangible (n'est-on pas le plus célèbre de notre famille, de nos amis, avant d'être chanteur ou charcutier-traiteur ?), et en même temps possibilité de revenir sur l'immense carrière de Johnny en faisant une fausse bio pas gonflante puisque détachée. Et, en prime, et c'est là le petit problème, pouvoir surfer sur le succès inestimable de l'excellent Podium.

Mais pourquoi avoir (re)commencé ce texte par Optic 2000 ? Parce que justement, il faut être bigleux pour ne pas voir que Jean-Philippe s'appuie très fortement sur ledit Podium. Le générique à ce titre est ahurissant. Certes le premier mouvement de grue est très beau, le mixage est excellent, presque tout sent la production léchée, mais le style de montage et l'affichage du titre donnent une très irritante impression de déjà-vu. Pire : les incrustations de Luchini au milieu des concerts de Johnny sont pitoyables. Loin de se faire happer par une intro hypnotisante, on met du temps à rentrer dans le film, malgré un scope magnifique, et on rajoutera quelques petits problèmes de post-synchro (mais là, tous les films en sont victimes de nos jours) qui font tiquer - et les vingt premières minutes sont axées exclusivement sur Luchini. Bref, c'est beau mais on a du mal.
Et puis arrive le sujet du film : Johnny lui-même, et d'un seul coup ça se met en branle (NDBaker : Le premier qui fait un commentaire déplacé, je le kicke du site !). Pas comme on le voudrait, mais une fois accroché au wagon on n'a plus trop envie de sauter en marche, car le gars a de la prestance, et revenir sur sa propre histoire a définitivement quelque chose de touchant. Etant redevenu un "simple citoyen", Jean-Philippe Smet a en effet toujours une belle voix, mais plus envie de revenir dans le girond du "rock français". Fabrice, son plus grand fan, le rencontrant lors d'une scène savoureuse, se met alors en tête de réveiller le Johnny qui est en lui. Et comment faire pour lui prouver, sinon lui dévoiler le coeur de sa carrière, ce qui lui survivra bien longtemps après sa mort : les chansons ? Puisque dans ce monde parallèle où Ah Que n'a de sens que derrière un piano, tous ces tubes que l'ont connaît par coeur n'ont jamais été écrits... C'est là que le film de Laurent Tuel puise sa meilleure scène, celle de la plage, et c'est aussi là qu'il loupe le coche : c'est une idée fantastique (qui n'a jamais rêvé d'être en 1968 et écrire tous les tubes de Led Zep à la barbe de Page et Plant ?), mais largement pas assez exploitée. La découverte des chansons par un ignorant se reposant sur la vision d'un fan non musicien, c'était un filon à exploiter jusqu'à la moelle ; au lieu de ça, il faut avouer que Jean-Philippe est un film musical qui... manque un peu de musique. Certes dans la bande-son il y en a, mais dans l'écran, et dans les personnages, on en redemandait bien plus.
Attention, ne me prêtez pas de mauvaises intentions ! J-P est un bon petit film. D'abord, une fois entré dans l'histoire, on peut mieux apprécier la mise en scène et la superbe photographie. Ensuite, les fans de Johnny seront aux anges, les clins d'oeil étant assez nombreux. Et le second acte est un franc et rafraîchissant moment de comédie "à la française" post-Chabat. Reste le troisième acte, qui semble artificiellement greffé sur les deux autres, et qui montre au grand jour les deux principaux défauts, pas seulement du film, mais aussi de la culture musicale française en général : d'abord, l'intervention clin d'oeil d'un certain comédien, qui est beaucoup trop appuyée et ne fait que nous remémorer de façon vive l'à-priori négatif de copie carbone qui planaît sur nous pendant le générique de début. Ensuite, la conclusion musicale. Johnny n'existe pas, il ne fait que naître (ou renaître), et pourtant une dizaine de musiciens, sans compter les danseurs, se mettent à jouer parfaitement une chanson qu'ils N'ONT JAMAIS ENTENDU. C'est spectaculaire, ça fait taper du pied, la mise en scène est immense (et pour le coup, les trucages numériques de la foule sont carrément sublimes, l'antithèse du début), mais c'est une trop grosse concession faite au grand public par rapport à la cohérence de l'univers créé par le scénariste. Et puis arrive le générique de fin, trop tard d'ailleurs (il aurait dû commencer juste après le dernier mot), et qui est un summum de playback absolument foiré, dans les largeurs XXL. Et en cinémascope, sans générique pour distraire l'oeil, et à la fin d'un film musical, croyez-moi, ça la fout mal.
Enorme succès oblige, le DVD de Jean-Philippe a été soigné aux petits oignons par Studio Canal, existant en trois versions : DVD simple, double, et collector avec une statuette et un 45 tours simple face (un picture disc qui plus est, et classe !). La version simple pourrait presque se suffire à elle-même. Déjà, elle propose une qualité d'image et de son parfaitement digne d'un DVD haut-de-gamme de 2006 : la compression est totalement maîtrisée (voir le travelling latéral du début, mouvement d'habitude détesté par les DVD), le son est énorme, même si on regrettera d'entendre un peu trop les post-synchros en plus de les voir. Bref, du Podium-like avec 18 mois de maturation en plus. Evidemment, on serait bien peu de choses sans un commentaire audio. Commentaire un peu inégal : ils sont trois mais réussissent quand même à laisser pas mal de blancs, et souvent se disent entre eux que tel ingrédient "marche" comme pour s'en convaincre (problème inhérent à de nombreux commentaires). On apprend tout de même pas mal de choses concernant les lieux de tournage, et la conception des scènes, on regrettera juste que celà manque un peu de... musique. Là aussi.

Le DVD 2 du collector est quant à lui assez paradoxal. D'un côté, un making-of de 40 minutes comme je ne les aime pas : brut. Pas de commentaire, pas de recul, juste une vision à chaud de l'ambiance, avec les doutes du réalisateur, la décontraction absolue des seconds rôles, et Fabrice qui pète les plombs à intervalles réguliers. De l'autre, des interviews plus posées. Enfin, c'est façon de parler. Si celle des concepteurs du film font un peu doublon avec le commentaire, celle de Johnny et Luchi est un grand moment de portnawak. On appréciera les deux hommes ou pas, leurs sentiments ou pas, mais au moins on n'a pas le temps de s'ennuyer ! Reste que quelque chose sonne faux dans ces dix minutes de congratulations forcenées. Je ne sais pas trop quoi... m'enfin, quand on pense que si je n'avais pas regardé cette interview de dix minutes, j'aurai fini le DVD dix minutes plus tôt !!! Non, sur ce DVD 2, le seul bonus vraiment passionnant, c'est André Manoukian, responsable de la musique originale et qui connaît à fond son métier. Il faut attendre ce dernier bonus pour enfin qu'on parle musique de façon concrète (je passe par charité le playback du générique repris in extenso, ce qui pour moi est carrément un malus). Manoukian est le seul "étranger" à l'univers Johnny, le seul qui ne mâche pas ses mots, et le seul qui se soit penché sur les notes dans ce film agréable, malin, joli, mais passant à côté d'une géniale opportunité. Mais il faut dire que lorsqu'un film sur la musique commence dans les dix premières minutes par confondre punk et gothique, ce n'est jamais bon signe. Que cette chronique pleine de vilains points noirs ne vous empêche pas de jeter un oeil sur un moment de détente sympathique, mais qui - et ça me fend le coeur de le dire - est désormais surtout attendu pour son remake américain, en priant que ce soit bien Bruce Springsteen qui y remplace Johnny.


21-10-2006