Soin apporté au moindre détail, humour vachard, changement de ton génial et véritable vision artistique et intègre

Note globale


(Ou alors c'est 9 ? ...J'me suis gourré)


Les inévitables baisses de rythme, un petit poil frustrant côté bonus

Editeur : M6 Video
Durée totale : 37 h 12

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Image        PAL

Teasers des livres I à IV (30 sec)
Sous-titres pour malentendants sur tous les épisodes et les bonus
Sous-titres anglais sur les saisons IV et V
Bêtisiers (46 min 16/9)
Episode pilote : Dies Irae (14 min)
10 épisodes test (45 min 16/9)
Teasers des deux premières BD
Reportages sur les bases historiques de la série : Les moeurs et les femmes, La magie et l'église, L'art de la guerre et Géopolitique du royaume (218 min 16/9)
Entretien avec Alexandre Astier à Cinecitta (38 min 16/9)

C'est rare d'avoir une série française aussi gâtée côté image, et le transfert est donc surprenant. On se rend vite compte que le rendu n'est pas absolument parfait, mais c'est luxueux dès le départ et ça s'améliore jusqu'à devenir vraiment beau à la saison V.
La stéréo propose des dialogues incroyablement clairs, du petit murmure aux grosses gueulantes (et il y en a un paquet). Le 5.1 présente des ambiances et la musique en surround comme vous en avez rarement entendu, y compris dans les séries américaines.
Au départ, des gags plutôt drôles qui ne révolutionnent rien mais font rire aux éclats. Au final, le début (?) d'une incroyable saga. Certains n'hésiteront pas à donner deux sur dix parce que ça ne les fait pas rire : c'est leur droit le plus absolu... mais rire n'est pas le sujet principal de Kaamelott.
Des connardiers enfin intelligents, des beaux packagings (Canard WC de bronze pour le livre V quand même), et des tonnes d'informations pour les passionnés de cette époque mythique qu'est le haut Moyen-Age. Mais un manque assez flagrant de commentaires et interviews de l'équipe fantastique à l'origine de ce projet.

Combien de temps faut-il à une œuvre artistique pour accéder, en temps réel et en direct, à une petite place dans le cœur du spectateur ? Combien de minutes, de couplets, de chapîtres avant que le spectateur ne réalise où va le travail de l'artiste, et que le chemin proposé lui sied ? En termes de long-métrage, la fourchette semble restreinte et facile à cerner, et pourtant... Il y a loin entre les 5 minutes nous faisant déjà tomber amoureux d'Un Jour Sans Fin, et l'heure et demie d'un Requiem for a Dream où même passé ce délai on se demande toujours pourquoi les personnages n'ont pas mieux fait de planter des navets (et pour ce qui est de planter un navet, ma foi...). Pour les séries télévisées, l'écart se creuse. Un 24 mettra trois solides heures à se mettre en place, et un Star Trek TNG une saison entière, tandis qu'un Urgences rendait fou d'extase le spectateur à peine le pilote fini. Alexandre Astier, lui, a pris son temps. Il a même fait très fort. Lui s'est permis 400 épisodes de mise en place. De trois minutes certes, mais le fait est là. Etrange, certes, incroyable encore plus ; mais vous le savez désormais, nous n'ouvrons nos colonnes qu'a de très rares séries, toujours des coups de coeur et sans exception hors-normes. Celle ci l'est donc, et à bien plus d'un titre.
Kaamelott, avant tout, ce n'est pas forcément ce que vous en pensez, alors restez un peu. Sa présence dans nos colonnes n'est pas fortifiée. Non, fortuite, je m'suis gourré. Kaamelott, au départ, c'était le successeur de Caméra Café, lui-même concurrent d'Un Gars Une Fille... et ensuite de la Bande Dehouf, des Que du Bonheur, de l'abominablement mongoloïde Samantha Oups, et autres choses plus ou moins, surtout moins, reluisantes. Dit comme ça, ce sont des petits sketches de trois minutes bien franchouillards faits pour passer le temps entre la pub et la météo. Rien de bien fôlichon. Mais Kaamelott, ce n'est pas ça, ou plutôt ce n'est plus ça, et ça ne l'a été que par un truchement puissance artistique vs jungle télévisuelle qui m'a laissé tout bonnement pantois. Même si humour, petits sketches et nom de la série ne peuvent que trahir que pour le commun des mortels (ceux qui ne lisent pas DDS, voyons ^^), Kaamelott de loin ça ressemble vachement à Monty Python Sacré Graal version humour Canal beauf, à regarder en se grattant les noix tout en pestant contre la redevance qui paie (en l'occurence, non) pour des Kooneriess pareilles.
Mais eh ! C'est là, ça y reste, alors ouvrons la boîte avant de vérifier la périmation. C'est pas comme ça qu'on dit ? Bref. Kaamelott, c'est aussi, et par-dessus tout, Alexandre Astier. Et Alexandre est Kaamelott. Interprète principal, scénariste, dialoguiste, réalisateur, monteur, compositeur, il cumule tous les postes et y excelle pratiquement partout. C'est donc à lui, à lui seul (avec des morceaux de Jean-Yves Robin dedans), et à son immense paire de couilles que l'on doit un des plus fascinants OVNI de l'histoire télévisuelle française de ces 10, 20 voire 30 dernières années. Car, et là on va rentrer dans le vif du sujet, Kaamelott, c'est un budget immense, une prétention sans équivoque, des décors, des costumes, des figurants, des musiques (chapeau bas Alexandre), mais surtout des moyens, du talent, du travail et une vision artistique. Très souvent, les Français se gaussent d'avoir enfin trouvé la formule magique permettant de faire "aussi bien que les Ricains" (je cite verbatim des milliers, et je suis poli, d'interviews et de dossiers de presse), et notez le "aussi bien qu'eux" super-restrictif genre on a des complexes (tout en se la pétant), bref oui donc euuuuuuuuuuuuuhhhhhh... Faire aussi bien. En leur piquant un de ces ingrédients. Certains ont mis les moyens (meilleur exemple : Asterix aux Jeux Olympiques), d'autre le travail (exemple : Taxi 13, Banlieue 1997, Wesh wesh ta reum, Les Bronzés 784), d'autres la vision artistique (Besson et ses héroïnes rousses névropathes, Pitof et ses caméras montées sur Barbapapa)... Sans que jamais personne ne comprenne que les ricains, eux, mettent les QUATRE ingrédients en même temps. Astier l'a bien assimilé et n'a donc fait aucune concession sur aucun des fronts.
Le résultat ? Dans un premier temps, 399 épisodes "normaux", petites saynettes de la vie quotidienne à Camelot, engueulades mémorables, dialogues au cordeau, entre l'esprit de Michel Audiard et la verve du Splendid. Des dialogues cultes (les "c'est pas faux" entre autres) cachant notablement des traits d'esprit tirant vers tous les styles. Des personnages aussi, attachants, que l'on apprend à connaître, et qui au cours des 4 premières saisons s'affinent, Astier s'amusant à parsemer ça et là des petites révélations éclairant chaque zone d'ombre, parfois avec une finesse qu'on ne saisit que bien des épisodes après. Une construction de quelque chose, plus les saisons avançant et plus le ton devenant mi-sérieux, certains épisodes tombant même à plat à force d'hésiter entre la pure comédie et l'introduction d'éléments capitaux pour la suite. Le côté roboratif est ainsi non pas évité (c'était prévisible), mais repoussé, avec arrivé à la mi-saison IV quelques bonnes accélérations salvatrices. Un sacré bon paquet d'épisodes donc, qui vous feront sûrement tenir les côtes à condition de supporter ce type d'humour (mais si vous lisez régulièrement ces lignes, vous ne devriez pas être dépaysés). Le tout s'améliorant d'an en an, multipliant décors naturels et invités, on aurait pu tenir le "digne successeur de Caméra Café" en plus classe, mais qui allait vers l'essoufflement et la désertion vu le ton entre deux eaux pris par son auteur.
Nous vîmes alors une première, à ma connaissance. Une métamorphose de genre. Les bases et acquis d'une série solide et populaire, retournés et étendus pour aller vers autre chose. En somme, une totale désobéissance à la charte habituelle de la télévision... et putain que ça fait du bien ! Explosées, les formules comptables des requins prouvant que telle série fonctionne parce que A + B, pendant que Kaamelott en est déjà à la lettre S. Les épisodes, dans leur version director's cut, passent à 45 minutes, multipliant les intrigues et décors, utilisant intensivement les cadrages cinématographiques et une bande-son au taquet, avec un montage lent, très bien rythmé, un découpage très professionnel utilisant les meilleures ficelles de la dramatisation. Bien des gens, y compris des fans de la première heure, ont crié au scandale : trop sombre, pas drôle. Mais le vrai terme est : beau, simplement. Pas drôle ? On s'en fout ! La saison V est clairement une faille entre les amateurs de petite rigolade saisonnière et ceux qui aiment dans le Moyen-Age, par-dessus tout, la misère, la famine et la merde. Après 24 heures d'épisodes mettant les choses en place, Astier laisse exploser son talent et sa vision, et Kaamelott devient une vraie série de luxe qui n'a franchement pas à rougir devant les grands succès américains de ces dix dernières années, pourtant fort nombreux. Il y a toujours des éclats de rire, des situations loufoques (les destinées de Léodagan et Karadoc sont fort de café), des personnages fatalement cons (retour en force de Dagonet, Yvain et Gauvain sauveurs de le monde), mais la destinée du Royaume est traitée sous une vision gothique et épique qui tient mille fois plus du Seigneur des Anneaux ou du Excalibur de Boorman que de Un Gars Une Fille. Disons 65% comédie et 35% drame, mais pourtant parfaitement équilibré... et assez intriguant pour donner envie de revoir toute la série - deuxième vision où l'on comprend des centaines de détails. Le tout se termine sur un cliffhanger haletant dont le tout dernier plan est simplement sublime : malin, maîtrisé et délicieusement indécis. Une vraie leçon de télé.
Jusqu'au bout seront choyés les spectateurs, avec les éditions DVD. Il existe des demi-saisons, toutes bêtes, en Amaray, et clairement destinées au public de l'access-prime-time. Mais iceux ne sont pas le coeur de cible de cette page, et encore moins du créateur de la série, donc nous nous pencherons sur la suite de 5 éditions collectors, extrêmement belles d'aspect extérieur (type vieux livre avec enluminures du Père Blaise). Dès le menu, c'est beau : charte graphique, musique inédite. L'image des saisons va de très belle à somptueuse : la série est tournée dans un beau 16/9 aéré, avec une définition superbe, un très joli piqué et un étalonnage respectant la magnifique photographie. La qualité d'image s'améliore d'année en année, mais les 4 premières saisons sont juste un peu plombées par une compression imparfaite retirant un peu de piqué et ajoutant des halos autour des acteurs, un peu normal avec 3 heures par film. La saison 5 franchit un palier de qualité et en prime est sortie en Blu-Ray histoire de bien en mettre plein la gueule (Blu-Ray pas encore vu par notre équipe, donc méfiance, c'est un Blu-Ray français, c'est comme le rock, ça colle pas). Côté son, c'est tout aussi diatribambique. Ou quelque chose comme ça. La stéréo est tout à fait claire, mais c'est surtout le 5.1 qui est surprenant pour une série télé : ambiances et musique viennent régulièrement exploser vos enceintes arrières, là où même des films de 2000/2001 n'arrivent pas à dépasser les trois échos de pétard par tranche de 15 minutes.
Derrière ce flamboyant écrin, nous retrouvons le grand retour des sous-titres pour malentendants, et ce dès la première saison, avec codes de couleurs et tout. Rien que ça mérite des applaudissements. Vous trouverez aussi à partir de la saison 4 des sous-titres anglais, c'est dire à quel point la volonté de dépasser les petites frontières franchouillardes. Une belle idée, hélas qui tombe un peu à l'eau : les dialogues anglais n'ont pas le centième de la verve de l'original, et 9 gags sur 10 n'ont même pas pris la peine d'être traduits ou adaptés. Assez correct cependant pour que nos amis anglo-saxons puissent suivre globalement le cheminement de cette fameuse saison V. Collector oblige vous trouverez des bonus : nous ferons l'impasse complète sur les teasers des saisons suivantes, vu que de toutes façons vous êtes condamnés à vous payer l'intégrale. Le bêtisier habituel n'est peut-être pas à se rouler par terre, mais il dispose, là encore, d'une putain de bonne idée : un split-screen avec le pauvre acteur qui craque, mais aussi en-dessous la réaction des partenaires. Le gros morceau, c'est un documentaire de 3 h 30 qui revient sur les relations entre la série prétendument bête et tout ce qu'elle contient de crédible (c'est-à-dire plein de choses). Documentaire qui mélange le pire (interviews dans la rue de Prix Nobel en pleine forme, montage parfois roboratif, sur le premier épisode des perches à tare-larigot) mais surtout le meilleur : des analyses pointues et extrêmement intéressantes de personnes haltérophiles (NDArthur : Oui, hétéroclites, hmm...) ayant un point commun avec les légendes Arthuriennes (professeurs d'histoire, essayeurs, joustiers, armuriers, conservateurs de musées...). Un peu austère, ce quadruple documentaire passionnera à coup sûr les férus d'histoire médiévale.
Dernier bonus sur la saison V, une longue interview sur le vif d'Alexandre Astier, où l'on apprend bien des choses sur l'avenir proche de la série. Et où l'on apprend également qu'il reste encore des gens intelligents et doués en France : le petit gars est parfaitement lucide, ne mâche pas ses mots, n'hésite pas à pratiquer l'auto-casse et le sabordage par gueuleries interposées, n'a aucun scrupule à proclamer tout haut tout ce qui ne va pas (bienvenue au club, Sir Arthur), et si c'est loin d'être le meilleur autoportrait de l'histoire des DVD, on est au moins rassurés : l'excellence de Kaamelott n'est pas dûe au hasard, mais à une somme harassante de travail, celle dont on a parlé en début d'article et qui fait si cruellement défaut de nos jours. Enfin, je ne pouvais pas m'en tirer à si bon compte sans parler un peu des acteurs, car ils portent des centaines de scènes à bout de bras. Kaamelott est réputée pour posséder un nombre considérable de guest stars, et dans la grande tradition (Friends, Clair de Lune, Mariés Deux Enfants...), lesdites guest stars ne sont pas les meilleurs passages de la série, loin de là. Chabat, Clavier, Salomone, tout ça est sympa et marrant mais pas forcément le grâtin, à l'exception d'un Guy Bedos bouleversant dont le dernier trio de répliques fait partie des grands moments de la télévision française (l' "accélération" m'a fait verser la ch'tite larmichette). Non, les vraies vedettes, ce sont Nicolas Gabion qui joue merveilleusement les pleutres, la jolie Anne Girouard volontairement nigaudifiée (bravo pour la voix terrible de véracité), Franck Pitiot, véritable révélation comique, la vénéneuse Caroline Ferrus au rôle courageux, et mon petit chouchou, mon préféré, Lionnel Astier, mon portrait craché, tout en gueuleries et en mauvaise foi : chacune de ses apparitions est annonciatrice d'une bonne tranche de rigolade. Même dans ses heures sombres, sa cruauté gratuite fait rire plus que trembler.

DVD plutôt soigné (on a déjà vu bien pire même pour des grands films), image et son indignes d'une série française (si si, cherchez bien), personnages et scénario bien plus profonds qu'il n'y paraît, Kaamelott a pratiquement tout pour séduire. Le seul hic est cette nécessité absolue de bien digérér les quatre premières saisons avant de découvrir l'exceptionnelle cinquième, et donc de devoir aussi adhérer à cet humour un peu vulgaire, un peu répétitif, un peu cloisonné, du moins en apparence. Le reste coule de source. C'est la grande oeuvre d'un visionnaire qui a envoyé chier un nombre effroyable de yes-men pour redonner ses lettres de noblesse à un genre bien moribond, et en a profité pour étendre les frontières jusqu'au littoral, voire empiéter un peu sur la mer. Je ne dis pas que vous tous, adorables lecteurs, allez adhérer. Il y en a même un petit paquet qui sera définitivement urticole. Ben ouais, ceux qu'ont de l'urticaire. C'est pas comme ça qu'on dit ? En tous cas, ceux-là n'ont qu'une solution : se taper la saison 1. Si définitivement l'humour les laisse froids, ne pas aller plus loin. Les autres auront peut-être du mal au milieu du parcours, mais je vous assure que la fin vaut de s'accrocher. En attendant la suite pour laquelle on trépigne carrément, il m'a été fort agréable de vous initier à l'univers de Kaamelott, série qui vous l'aurez compris s'est avérée bluffante à plus d'un titre, et sa présence dans nos pages ne tient pas seulement à un ca-caprice de rédak'chef, mais également à notre ligne éditoriale qui est de mettre sporadiquement les pleins feux sur un artisan de l'audiovisuel méritant et méconnu. Il a beau être devenu une star incontournable du PAF (il a même joué dans cette immense merde qu'est le Astérix ci-tôt-cité), Alexandre Astier et son talent sont définitivement méconnus. Puisse cette modeste page ajouter une pierre à l'édifice. Ou à défaut, un morceau périmé de tarte aux... aux fruits. Car croyez-le ou non, un morceau de tarte, ça va devenir comme Kaamelott : du patrimoine.

 

 

Perceval. Non, . Je m'suis gourré. Ouais, pas foutu d'apprendre mon nom... N'empêche que je suis une légende !
02-01-2009