Un album excellentissime, une mise en scène parfois très dure, une actrice sublime et hantée

Note globale


(et un fendage de coeur, un !)


Pas de sous-titres des paroles, un pathos un poil trop lourd, les apparitions du groupe, les effets vidéo catastrophiques qui plombent tout

Editeur : EMI
Durée totale : 1 h 26

Image        PAL

The making of Brave (28 min 1.66 4/3 st fr uk)
Film sous-titré en uk et fr (dialogues seulement)

Ce n'est pas la faute d'EMI (enfin si mais pas les mêmes). Le format est respecté, la définition bonne, le noir et blanc granuleux et classe. Mais les effets spéciaux minablissimes sont décuplés et ce qui était poétique devient risible.
Un remaster euh... du film, donc bon son mais sans les défauts du remaster du vrai disque (vous suivez ?). Note punitive cependant car un petit remixage 5.1 n'aurait troué le cul de personne...
Une histoire bouleversante uniquement grâce à une actrice belle à en sauter d'un pont. Une sorte de sous-The Wall, avec moins de moyens mais une bande-son plus artistiquement aboutie. Et bien sûr, le fameux spiral remake du dernier titre.
Le même que la VHS, mais sous-titré. C'est rigolo, plein de bonne humeur, sympathique. Mais on aurait aimé aussi quelque chose de plus profond et exhaustif. Pas grave, on passe un bon moment.

Jamais un moyen-métrage (ou un long, ou un court, ou un clip tant qu'on y est) n'a provoqué autant de réactions épidermiques. 10% l'adulent malgré ses (nombreux et grossiers) défauts, 90% le haïssent, le vômissent (Vahid ?), et tentent de nier jusqu'à son existence. Il faut dire que l'album à l'origine de cette oeuvre importante et franchement méconnue n'est autre qu'un des meilleurs disques jamais enregistrés. Brave, 8 mois d'écriture, 9 mois d'enregistrement (dont plus de la moitié chez nous), 11 titres tous devenus des mythes intouchables, et, je vais prendre parti, à juste titre. En CD, en double vinyl culte, en CD remasterisé pourrave (et petit coucou à ma grande Steph' ! ;-), en live 1994 (re-coucou), en live 2002, à petites doses, ou en entier comme il est prescrit dans le livret - les lumières éteintes et le volume à donf - ce disque est un épouvantable gâchis d'humanité, une honte pour le cro-magnon du 21ème siècle, si carré, si Cartésien, si technologiquement avancé : comment une musique basée sur douze demi-tons peut-il faire chialer à intervalles réguliers ?
L'histoire de Brave repose sur un fait divers réel : une jeune femme ayant tenté de se suicider du haut d'un pont, l'équivalent en Angleterre de notre joli Pont de Normandie. Questionnée par la police, elle n'a pu répondre et s'est tinte coîte. Début d'un concept-album véritable roller-coaster dont le groupe avait déjà tracé la carrière d'une adaptation en moyen-métrage. Ce type d'exercice très périlleux et prétentieux s'est compliqué avec le choix du réalisateur : Richard Stanley, que les amateurs connaissent surtout pour avoir réalisé Hardware, petit bijou de série B apocalyptique où le rouge domine. Un réalisateur habitué aux prises de bec avec la censure et qui, pour Brave, n'a pas fait les choses à moitié : sexualité crue et bestiale, nudité, violence psychologique gratuite, symbolisme enivrant et à la limite du dérangeant. Le père Stanley, sur la demande du groupe, s'est lâché, et il n'a pas fait les choses à moitié. Le résultat : une interdiction aux mineurs en Angleterre, et une version longue trouvable à l'époque uniquement en Allemagne.
Il faut dire que Stanley a dans sa main trois atouts. Le premier, évident, c'est l'album, joyau fait de textes cyniques 36 carats et de musiques, au pluriel, d'une beauté immédiate et pourtant très sophistiquée. Le second, c'est le thème : le viol incestueux, prétexte pour le réalisateur à une multitude de dérives symboliques plus ou moins lourdes, plus ou moins choquantes, avec l'utilisation d'un psy et d'une pseudo-enquête "profiler" dont on sent tout de suite que ce n'est qu'un bidonnage métapsychique. Les scènes se déroulent donc tels des tableaux, certains allant très loin dans la dépiction d'une déshumanisation tragique (on y reviendra, hélas). Et puis il y a le troisième atout, le joker imparable, Josie Ayers, l'actrice principale dont le rôle est aussi mince qu'émouvant. Complètement hantée, à la limite de la folie sur le final, d'une beauté hallucinante qui crève tous les écrans, d'une fragilité extrême renforcée par la photographie volontairement lumineuse (d'habitude Stanley est plus porté sur la pénombre), elle livre une première apparition à l'écran plus que mémorable. La pauvre n'a quasiment rien fait depuis, comme si la malédiction de son personnage l'avait rattrapée. En tous cas, même les plus farouches haïsseurs du film (et croyez-moi, ils sont nombreux et voraces) ne peuvent qu'être touchés par la grâce ultime qu'elle distille le temps de quelques plans d'une beauté délectable. Et elle remplit parfaitement son but, qui était de l'aimer (NDMoi : facile, franchement) et de vouloir la protéger contre tout ce qu'elle subit dans ce film.
Hélas, c'est bien là qu'est le problème. Le film passe avant tout par des imageries symboliques forcément truquées. Et pour une fois, une très rare mais inévitable fois, notre support favori fait d'incommensurables dégâts. Malgré tout le génie de Stanley, ses idées fabuleuses et sa science de la mise en scène, il a bien fallu avoir recours à des effets spéciaux genre "écran bleu", et là ce qui aurait pu être un fantastique film poétique et cruel voit son mythe s'effondrer. Le budget étant ce qu'il a été (aussi mince que son actrice, mais sans les formes ni le charme), ces effets sont absolument pourris, dignes du Star Trek V du Baker (sauf que moi, je l'avais fait exprès). Or, le DVD ne pardonne aucun défaut de ce côté là. Et EMI ayant effectué un transfert bien défini, le film sombre souvent dans le plus fini des ridicules : les effets sont plus voyants qu'un pyjama de Star Trek (le vrai) dans une rediffusion de Maigret. On a beau faire des efforts, même le fan le plus hardcore du film ne peut qu'admettre la nullité de pas mal de séquences qui pourtant sont au départ fortes et très bien pensées. La seule solution, elle est malheureuse : copier le DVD sur une bonne vieille VHS qui se chargera, comme à l'époque (1994), de gommer un peu ces défauts et rendre le tout plus cohérent.
Pour le reste, un autre défaut vient perturber ce tableau : les apparitions du groupe. Et non, pour une fois je ne gueulerai pas après H, qui ici fait un peu figure de "reporter voyeur" auquel avec beaucoup d'efforts (et un peu de mauvaise foi) on peut trouver une utilité même perverse. Non, j'aimerai juste savoir ce que foutent les 4 autres dans cette histoire... Fort heureusement, on les retrouve aussi dans le bonus original de la VHS : une sorte de petit making-of de l'album et du film. Petit car on n'apprend pas grand chose mais la demi-heure passe très vite tant tous se montrent sympathiques et ouverts. Comme le documentaire est sous-titré, on appréciera d'autant mieux les interventions. A noter hélas ! qu'EMI a sur ce coup-là décidé de copier Warner : on sous-titre les dialogues, mais pas les paroles des chansons. Anglophobes, passez votre chemin (celà dit, la prestation d'Ayers se passe de mots, et paf !).

Pour résumer, et clôre un chapître aussi excitant que douloureux : ce film, truffé de défauts, est malgré tout un choc audiovisuel qui vous retournera les tripes si vous décidez de vous y abandonner totalement et sans retenue; dans le cas contraire vous vous moquerez plus souvent qu'à votre tour. Si vous possédez encore un magnétoscope, faites un transfert avant (sur une cassette délabrée si possible, ca colle mieux au film, je ne déconne pas). Si vous êtes fan du groupe, le making-of est un petit must. Si vous haïssez le film, ce DVD ne fera que conforter vos railleries. Et si vous aimez les brunes fragiles aux longs cheveux bouclés, putain, jetez-vous dessus et n'en laissez pas un exemplaire aux copains. Mais attention, le film n'est pas fait pour être une partie de plaisir; c'est ce que voulait Stanley, ce que voulait le groupe, ce que ne veut peut-être pas votre cortex, mais si vous acceptez vos faiblesses, c'est ce que vous obtiendrez.