H à l'écrit et à l'oral, les anecdotes sur Marbles et les accords au piano

Note globale


Un documentaire cent fois trop long et mille fois trop vu, manque inexcusable de sous-titres

Editeur : Racket Records
Durée totale : 6 h 32

Image        PAL

Livret
Commentaire audio du groupe sur le film principal (non st)
La musique de Marbles (29 min 16/9 non st)
L'artwork de Marbles (23 min 16/9 non st)
Bêtisier (13 min 16/9 non st, caché)
Easter et Don't Hurt Yourself unplugged (7 min, 16/9, caché)
Interview de l'équipe (153 min, 16/9 non st)
H au piano (36 min 16/9 non st)
Anatomie d'un single (24 min 16/9 non st)
La technologie en tournée (7 min 16/9 non st)

Sincèrement, il y en a marre de la buée. Le problème, quand on veut se la péter et se donner un style, c'est quand ça lasse. Ici ça lasse pendant 6 heures. On ajoutera des cadrages à la Tata Suzanne à Mimizan-Plage et on arrive aux limites des boom boom boys.
Ca oscille entre le assez propre mais pas trop, et le capharnaüm total. Les bonnets de perche ? Connais pas ! D'ailleurs les perches ? Connais pô ! Trop d'écho, trop de bruit de fond, mixage trop disparate, pas du tout agréable à suivre.
Un road movie qui n'apporte rien dans son genre, assorti d'une leçon de marketing où manquent un peu l'humilité et la musique.
Ne pas se fier à la générosité des bonus : certains sont mille fois trop longs. Mais on sauvera les meubles avec des leçons d'écriture et de production réussies et pertinentes.

Ca y est, enfin ! Vous l'attendiez depuis des mois, vous repoussiez fébrilement l'achat devant l'inconnu, vous guettiez patiemment chaque mise à jour de DDS, vous en rêviez la nuit, enfin ça y est, elle est là, la nouvelle chronique de Marillion dans notre ordre chronologique... Colours and Sound !!! Hein ? Hein ?! Hein ! ...Ah.... Oui, je vous comprends. C'est vrai, on l'avait un peu oublié celui-là. Pourtant, nous en étions restés au très bon mais perfectible Marbeulz on zeu Road, et le disque versatile digital suivant, c'est bel et bien Colours and Sound. Un "rockumentaire" sur la tournée Marbles. Ce n'est pas le premier documentaire sur un groupe disponible en DVD, et il en existe des très bons. Mais pour qu'un tel programme soit vendu à part, en tant qu'élément principal du DVD sans musique autour, il faut qu'il y ait un plus, une substance ajoutée, une raison. Par exemple, un documentaire original, ou très bien filmé, revenant sur une tournée exceptionnelle avec des intervenants préparés, des anecdotes choisies, et un vrai partage avec le public. Bref, c'est bête mais c'est comme ça, il faut qu'on ait l'impression que le documentaire mérite notre argent, et autre chose qu'une place peu flatteuse en bonus d'un live quelconque.
Et c'est exactement le piège dans lequel Marillion, et leurs réalisateurs les indétrônables BOOM BOOM boys, sont tombés. Parlons d'abord du programme principal : le documentaire. Ou plutôt l'enquillement de séquences. A la fin d'une vision durant tout de même cent dix minutes, ce qui n'est pas rien, on se demande vraiment à quoi rime la sortie d'un tel film. Car il n'apporte rien, ou pratiquement rien, par rapport aux innombrables roadmovies qui parsèment nos chers DVD depuis dix ans. Parlant à la fois de Marbles - la promo et de Marbles - la tournée, sans jamais parler de Marbles - le disque, le montage des Garçons Boum Boum n'a aucune cohésion, si ce n'est un "pattern" avec fil rouge particulièrement mince : ça parle de fric, puis de tournée, puis de fric, puis de fan, puis de fric, puis de vie sur la route. Le tout avec un son pris sur le vif et souvent difficile à capter, une image ennuyeuse avec leur éternel style David Hamilton, beaucoup de séquences déjà vues chez des musiciens allant de Garou à Dimmu Borgir en passant par Fish (oups), et, en prime, absolument aucun sous-titre nulle part en quoi que ce soit. Ce qui de la part d'un groupe universel tellement à cheval sur ses fans, et pour un documentaire vendu plein pot comme un vrai film, est tout simplement impardonnable. D'autant que l'accent, bonjour.
Du reste, y perd-on ? Certaines bribes de séquences nous apportent effectivement quelques éclairages sur le groupe ou leurs fans, mais dans l'ensemble c'est d'un lénifiant ((c) Kaworu) total. On en ressort avec l'impression d'avoir quelque peu perdu son temps, sauf peut-être d'avoir vu le ravissant minois de Lucy Jordache (ça va être plus dur maintenant de dire du mal de ses idées, et pourtant même sur ce DVD elle tend des jéroboams de martinets pour se faire battre), ou encore de se rendre compte, avec stupeur, que Marillion a engagé François Hollande comme technicien guitare. L'unique "raison d'être" de ce doc serait donc ce qui prend au bas mot un quart du temps total : parler des coups marketing, des charts et de pognon. Or, avec le recul, et la distribution de leur dernier (et excellent) album Happiness is the Road... en magasins, à un prix correct et par EMI, cette fameuse idée du siècle qui a fait autant parler chez les économistes que les critiques rock se révèle envahissante, au point de dégoûter totalement le spectateur. A écouter ces gens-là, et particulièrement Steve Rothery, on a l'impression qu'être premier au top 50 est une question de survie car le monde de la musique est un champ de bataille. Loin de moi la bêtise de prétendre le contraire... Mais à force de n'axer leur communication que sur ce sujet, les Marillios réussissent à nous liguer contre eux : livrer bataille, oui, mais quel est le prix à payer pour la victoire ?
Donc, Colours and Sound - le documentaire n'a absolument rien de renversant, sinon la tasse de café noir que vous aurez laissée choir sur la moquette en vous assoupissant dans le canapé. Restent les bonus... qui totalisent plus de SIX HEURES ! A commencer par un commentaire audio des 5 musiciens. Et comment fait-on pour commenter de manière intéressante un film ennuyeux ? Simple : on ne fait pas. Le commentaire sera donc ponctué de blagues privées, de longs silences, de questions cruciales du genre SMS : "t ou?", "c koi ton fut?", "ki c?", et sur donc cent dix minutes d'accent anglais mâchouillé et non sous-titré, on ne doit retrouver que deux ou trois infos intéressantes, tellement noyées qu'on les oublie derechef. Bien, oublions (facile) et passons à... à ce qui a ultimement condamné ce disque au dessous de la moyenne : les interviews de l'équipe. Cent cinquante-trois minutes (deux heures et demie pour les Bac A2) de camescoperies qui ne peuvent se résumer qu'en anglais, car aucune expression française n'exprime mieux le résultat d'un tel visionnage : excruciatingly tedious. On en sort lessivés, le cerveau à la ramasse, les yeux pétillants façon Badoit. Pour être intéressant, le tout aurait pu être condensé en à peu près 15 minutes. Le reste est simplement un immense vide. Pourtant il y a des gens intéressants : l'ingé retour, qui a l'air d'un sacré loustic, ou encore le responsable du merchandising, qui arrive à rendre intéressant pour le novice le poste de Pierre Bellemarillion. Mais trop c'est trop, et avec le commentaire et le doc, nous en sommes déjà à 395 minutes d'ennui. Sans pause. Même un débat parlementaire est plus rythmé.
Le disque aurait donc été condamné aux flammes éternelles de l'enfer, si le groupe eût oublié que Marbles, c'est aussi un disque. Et même, pour certains, un sacré disque. Le reste des bonus relèvera donc le niveau de manière si exponentielle qu'il vaut mieux les considérer comme le (court) programme principal. On y parle de l'artwork avec Carl Glover, on y parle de la production avec Dave Meegan, et surtout de la musique, la vraie, avec les musiciens - dont trois au piano. Steve H nous livre une passionnante étude, oscillant comme toujours entre le rire et les larmes, nous livrant la genèse de certains titres. Mark va même jusqu'à nous montrer quelques techniques de Sioux, genre comment lancer les samples en live, ou comment faire l'edit d'un titre (un bonus durant 23 minutes, soit le temps que j'aurais mis pour le faire, l'edit ;-) ). Ici, on ne parle ni de charts ni de paquet fiscal, que de zizique, pendant une heure et demie, et c'est pour CA que vous pouvez à la rigueur vous procurer ce double DVD : fans de Marillion ou simplement amateurs de vrais rockumentaires, vous aurez un bel os à mâcher.

On ne comprend donc toujours pas le but de ce DVD, dont les meilleures parties auraient pu (dû?) faire partie d'une édition limitée vraiment généreuse de Marbles (un beau livret, c'est bien. Un mix 5.1 + documentaire sous-titré, c'est mieux). Même les bonus cachés n'arrivent pas à faire sourire : deux courts unplugged, dont l'un est... Easter (oh chic, ça faisait longtemps) et l'autre un Don't Hurt Yourself totalement massacré par un H aphone, et ...un connardier, pas vraiment drôle. Pas en soi : on peut se marrer. Mais pas drôle parce qu'on a la terrible sensation que tout le documentaire en était un. Seuls les fans inconditionnels de Marbles pourront donc acheter cette galette, et encore, en épurant à grands coups de hache le gras au-dessus de la viande. Un oasis dans ce désert ? Oui. De larges extraits, encore une fois, du journal intime de H. Un de ces jours, ce gars devra engager un nègre pour condenser ces vingt années de confessions intimes, ça en fera un bouquin de 800 pages qui sera l'un des tous meilleurs livres sur le rock jamais écrits, et avec de la chance ce sera un best-seller. En attendant ce rêve pieux de fan, nous laisserons moisir ces couleurs et ces sons dans un coin de l'étagère, pour nous retrouver d'ici peu, quelque part à Londres, pour la suite des palpitantes aventures des stakhanovistes du DVD musical.


27-03-2009