Critique album-par-album intéressante, groupe terriblement attachant, director's cut et commentaire audio qui remontent le niveau

Note globale


Technique entre décevante et effroyable, bonus pas toujours extraordinaires, DVD pas à la hauteur des attentes (il est vrai assez hautes)

Editeur : Century Media
Durée totale : 4 h 20

Image        PAL

Aucun sous-titre
Commentaire audio du réalisateur (non st)
Version Director's Cut (78 min)
Interview complète de Greg MackIntosh (81 min)
Interview complète de Christina Scabbia (4 min)
Interview complète de Mark Greenaway (9 min)
Soundcheck (2 min)
Backstage (11 min)
La cave aux trésors d'Aaron (20 min)

Beaucoup de mélanges qui ont pour point commun leur montage, parsemé de mauvaises intentions. Le mélange des genres est plutôt réussi mais régulièrement des détails techniques ou artistiques nous ramènent à la réalité du 52 minutes de France 3.
Les extraits d'albums studio, au son fantastique, sont mortels pour le reste : voix étouffées, micros déphasés, bruits de fond ressemblant à un capharnaüm épouvantable, typique du documentaire qui n'est vraiment pas agréable à suivre sans l'image, ce qui en général est mauvais signe.
Malgré une certaine linéarité, on est vite conquis par le ton pince-sans-rire, l'honnêteté sidérante et la carrière incroyable de ces musiciens à peine plus vieux que vous et déjà des légendes vivantes. Intéressant même pour les complets néophytes qui risquent d'être accrochés par les refrains tuants parsemant le documentaire.
L'interview de Greg et le commentaire audio sont vraiment de très bonnes surprises. D'où note au-dessus de la moyenne. Maintenant, si on prend le rapport qualité/quantité, le double DVD est perdant, mais je n'ai pas spécialement envie de l'enfoncer à ce niveau. C'est ça, la magnaminité. La magnatimité. La magnitama... bon, je suis cool comme mec, kôa..

S'il est vrai que l'habit ne fait pas le moine, il y a fort à parier qu'un curé sermonnant en tutu rose avec une bouée canard à la taille sera légèrement moins pris au sérieux par ses fidèles, même s'il dit des choses intéressantes - si tant est qu'un religieux puisse être intéressant. Le même phénomène se produit jusque dans nos misérables petits DVD musicaux - une belle pochette, des promesses plein la jaquette, et pour peu que l'acheteur soit un tantinet frustré, la déception ira crescendo jusqu'à la fameuse et intemporelle phrase : "...C'est d'la merde !". Qu'on se rassure, Over the Madness n'en est pas une. Il s'agirait plutôt d'une opportunité ratée, d'un embryon prématuré. Peut-on alors pratiquer l'eugénisme culturel sur un documentaire avorté quand le sujet est l'un des plus grands groupes de metal contemporains ?
Le DVD de Over the Madness est pourtant alléchant. Sous l'aspect d'un magnifique digipak à la couverture classe, il recèle un documentaire présenté à Cannes, vient avec des tonnes de bonus, et semble dresser l'histoire du metal gothique à travers les yeux de Paradise Lost, figure emblématique du genre. Le constat après plusieurs heures de visionnage est tout autre. Il s'agit en réalité d'une "simple" semi-auto-biographie avec interviews des musiciens revenant sur leur carrière album après album. La naissance du mouvement metal-goth est effleurée par les interviews croisées d'autres groupes, sans jamais dévier du sujet principal : PLost. Restrictif donc, mais après tout pourquoi pas ? On ne peut pas dire que la carrière du quintet d'Halifax ne soit pas passionnante ni représentative de l'évolution du metal ces vingt (déjà !) dernières années. On rajoute un réalisateur déjà réputé pour un documentaire choc, et le programme a finalement tout d'attrayant. Et passer une heure vingt en compagnie de Nick Holmes, le beau gosse sarcastique au regard de cocker battu, et Greg MackIntosh le ténébreux génie introverti, il y a pire destin.
La linéarité ne sera malheureusement pas le seul détail rendant ce disque au final moins percutant que prévu. Il est d'abord à noter qu'il n'y a aucun sous-titre de quelque nature que ce soit, nulle part. Ce qui réserve le DVD aux anglophiles confirmés, ET aux personnes pourvues de solides oreilles. Car c'est bel et bien la technique qui amoindrit considérablement l'impact. L'image mélange plusieurs formats (16mm, Beta, DV...) avec plus ou moins de bonheur selon les plans, gardant un grain pas du tout désagréable et une définition correcte, mais le résultat, malgré tous les efforts du réalisateur, n'est ni fluide ni agréable. Outre des cadrages par moments très mauvais, le film abuse d'effets de montage (faux fondus, accélérés....) rendant le tout cheap et démodé avant même sa sortie. On débute le voyage par un accéléré vidéo au bout de cinq secondes, et franchement ça revient à commencer ses vacances en roulant sur un clou.
Tout au long du film, vous avez donc une alternance entre interviews à l'image parfois surexposée, mal cadrée, ou pourrie par des gags de montage inutiles, et des extraits "volés" de concerts qui sont évidemment pas toujours synchro, mais bien plus probants, capturant parfaitement l'énergie dévastatrice des 5 anglais. Mais pire que l'image, il y a le son. Sur les interviews, il est tout bonnement catastrophique. Du bruit de fond partout, des micros pas réglés, et pendant l'interview de Tuds carrément un joueur de trompette couvrant sa voix ! Le tout est extrêmement désagréable à l'ecoute, rend la compréhension des protagonistes très difficile, et trahit que le documentaire a été tourné à l'arrache. Un peu trop. Avec une jaquette comme ça, un sujet comme ça, des interviewés comme ça, un effort supplémentaire aurait dû être fourni, qu'il soit humain ou budgétaire.
Car une fois passée la barrière de la technique, on découvre un groupe attachant et qui ne manque pas d'anecdotes. Greg est évidemment le plus intéressant de tous, un régal, d'autant qu'il n'a pas la langue dans sa poche. Revenir sur tous les albums est un exercice périlleux si on va au fond des choses, c'est pourtant ce qu'il fait, et surprise ! Host, leur album si controversé, si conspué par une certaine frange du milieu metalleux, se voit réhabilité avec une vigueur bienvenue et permet d'aborder (superficiellement) le problème de l'élitisme d'une culture, quelle qu'elle soit. Curieusement, au milieu de ce bilan, c'est le pauvre Believe in Nothing qui s'en prend plein la gueule (j'adore cet album, et visiblement, je suis bien le seul).
Côté Paradise Lost l'honneur est donc sauf : si vous doutiez que leur carrière fût brillante, voici de quoi vous en convaincre, avec à chaque fois un petit refrain en live histoire de vous rappeler de bons souvenirs. Côté histoire du metal gothique, c'est moins glorieux, même si la plupart des intervenants sont dignes d'intérêt et parlent avec passion et intelligence. Il est normal d'avoir interviewé My Dying Bride, puisque cette formation est plus que toute autre la définition même du doom metal gothique, mais il manque méchamment la présence d'Anathema, leurs frères de sang pendant leur première moitié de carrière. A la place, tenez-vous bien, vous avez trois musiciens de Lacuna Coil ! Non mais Lacuna Coil, quoi ! M'enfin !? Je n'ai rien contre eux, mais disons que jusqu'à présent, je n'ai rien pour non plus. Autre manque : Lee Morris, le deuxième de leurs trois batteurs. Manque inexplicable, et d'ailleurs inexpliqué, alors qu'il fût non seulement leur batteur pendant le plus grand laps de temps, mais en prime un excellent choriste ayant contribué à faire rentrer en live les refrains dans la tête à coups de massue.
Tous ces défauts ne doivent pas faire oublier que l'on apprend beaucoup de choses, et que l'on passe un bon moment avec ce qui semble de vieux potes, ou plutôt des potes de potes, du genre qu'on ne voit qu'une fois par an mais avec plaisir. Et contrairement au Festival de Connes qui ne donne guère le choix, le double DVD présenté ici est truffé de bonus. Enfin, truffé est un bien grand mot, et puis la quantité ne fait pas la qualité (...surtout pour les truffes !). Mais au moins avez-vous droit au director's cut qui dure 35 minutes de plus que le film original (une paille !). Soyons réalistes : étant donné la nature du film, sa provenance et son but, cette version director's cut est la seul et unique version valable et légitime. On y développe plus l'aspect humain, les anecdotes, la lente et hasardeuse construction du groupe (et du genre musical, qui ici est au moins abordé !). Après l'avoir vue, vous n'aurez plus aucune raison de revenir sur la version courte. Ou plutôt si, une seule : le commentaire audio du réalisateur. Bien que parsemé de longs silences, il est bien agréable à écouter, et nous montre un réalisateur sympathique, plein d'humour, sachant bien expliquer ses intentions artistiques. En fait, malgré tous les défauts de son film, on en vient à espérer que dans quelques années il pourra nous offrir vendre ce Over the Madness II qu'il évoque malicieusement.

Le second DVD est encore plus copieux, mais le rapport qualité/durée n'est pas plus en sa faveur. Le gros morceau, c'est l'interview non coupée de Greg MackIntosh. Même si elle fait souvent doublon avec le film, elle reste un bon moyen de connaître le groupe de A a Z de l'intérieur. Il n'y a toujours aucun sous-titre, le son est toujours aussi mauvais, mais je vous promets que vous ne vous ennuierez pas une minute. Deux autres interviews sont présentées "uncut" : Christina Sciabba et Mark "Barney "You know" " Greenaway. Pas loin de friser l'inutile, ces versions longues. Egalement présents, un soundcheck en Grèce (du niveau d'intérêt habituel des soundchecks : si tous les musiciens du monde détestent ça, comment espérer qu'un téléspectateur s'en entiche ?) et un backstage de 10 minutes sympa, détendu, mais absolument dénué de tout intérêt, musical ou même humain. Enfin, vous passerez 20 minutes en compagnie du facétieux Aaron Aedy, qui vous présente en live uncut son "memorabilia", sa collection de souvenirs, badges, posters, stickers & t-shirts racontant l'histoire de Dire Straits. Direstrait je suis : de Paradise Lost évidemment. C'est rempli de collectors à faire baver un canari, c'est même impressionnant de voir autant de petits objets historiques, et Aaron y va de ses anecdotes croustillantes, mais encore une fois la qualité d'image et de son est repoussante. Une fois tout ça ingurgité, il faut avouer que la crise de foie guette. Et c'est un peu dommage car ça ne donne pas forcément envie de faire ce que pourtant vous devriez : vous enquiller l'intégrale de Paradise Lost un petit après-midi pépère. Bref, un documentaire intéressant mais qui ne tient pas toutes ses promesses, un double DVD qui aurait presque mérité d'être épuré, et un produit qui n'a pas la qualité de ce que le prochain live du groupe promet : l'indispensabilité.


11-01-2008