Document rare, sur un Pink Floyd uniquement instrumental, et qui réjouira les sociologues et étudiants en histoire contemporaine

Note globale


Image hideuse (et ce n'est pas que technique), bien trop peu de musique, aucun sous-titre, ambiance générale à foutre le cafard à Jango Edwards

Editeur : Snapper
Durée totale : 0 h 55

-

Image        NTSC

Montage sur Interstellar de la mode à Londres en 1967 (4 min)
Autointervew de Paul Whitehead (3 min)
Interviews de Michael Caine, Julie Christie, Mick Jagger et David Hockney (17 min non st)

Il faut avouer que malgré les années, les points blancs, les griffures, la définition Super-8, les couleurs passéees, eh bien malgré tout ça le film a plutôt pas mal résisté au temps. Et alors qu'on pensait la technique sauvée, l'artistique vient nous rappeler à quel point le LSD a fait des ravages.
Un mono d'époque très clair surtout vu les conditions, et un 5.1 qui n'en est absolument pas un mais rajoute du corps au groupe.
Improviser jusqu'à plus soif, d'accord. Faire un peu de bruit, mouif pourquoi pas... Mais ce DVD ne présente que 29 minutes, dont 23/24 de non-musique. C'est donc trop peu, bien trop peu. Surtout venant du deuxième groupe le plus piraté de l'histoire.
Des interviews a/ d'époque, b/ non sous-titrées, c/ sans rapport avec le Floyd, d/ un peu chiantes pour être honnête. Reste Michael Caine.

Le destin est une putain d'ancienne maîtresse possessive qui nous rattrape toujours plus vite que l'on ne peut courir. Cela fait désormais plus de trois ans qu'entre Kaworu, moi-même et dans une moindre mesure Baron Zilord se joue une compétition de fainéantise et de lâcheté pour éviter chacun la corvée ultime de chroniquer ce DVD, tant il ne nous enthousiasmait pas. C'est que le Floyd période Syd Barrett, en vidéo, jusqu'à présent c'était pas Bysance : des bouts de clips hideux, ou des live charcutés-volaillés par des gougnaffiers dont je tairai le nom. Et puis pris de remords, je décidai de franchir le pas, afin de savoir une bonne fois pour toutes ce qu'était vraiment ce Pink Floyd cuvée 67. Trois ans après ! Voila qu'enfin arrive le disque par la poste, en boitier slim pour ne pas prendre trop de place, et pas cher parce qu'il faut pas déconner. Je sors le disque de l'enveloppe. J'ouvre le cellophane tout en allumant les infos, histoire de me tenir au courant des vicissitudes de ce bas-monde. Une dépêche tombe pile à ce moment. Richard Wright est mort.
Le plus gentil, le plus humble, le plus délicat des claviéristes de progressif, bien loin des frasques des Rick 'Batcape' Wakeman, Keith 'My ass' Emerson et autres fous furieux, toujours en retrait, toujours sobre, et pourtant si indispensable, bref le pianiste rêvé venait de nous quitter. Et avec lui s'effondre à jamais l'entité Pink Floyd. Vous parlez donc d'une coïncidence... Le pire moment pour recevoir ce disque ? La raison toute trouvée pour repousser encore cette chronique désormais caduque ? Peut-être pas. Peut-être au contraire la preuve que ce groupe, contrairement à ses membres, est éternel : trois ans, avec la certitude croissante que ce London 67 sera une bouse, et pourtant au final l'achat, irrésistible, parce que c'est Pink Floyd, parce que tout ce qui a touché de près ou de loin à Pink Floyd a toujours été au minimum intéressant, parfois archiatique (un néologisme scato), mais toujours attirant. Et qu'il n'y a pas de meilleur hommage à feu Richard que d'admettre vouloir tout acheter de lui, tout écouter, tout tenter (y compris l'album de Zee), dans l'espoir d'y trouver la moindre parcelle de génie inédit, en solo ou... avec Pink Floyd. Sauf qu'il y a un problème avec ce DVD de Pink Floyd. C'est pas un DVD de Pink Floyd.
A la fin des années 60, le groupe à peine formé fut approché par Paul Whitehead, célèbre cinématographe londonien, pour se faire filmer lors d'une jam session, à seules fins d'être inclus dans un énorme film-évènement où l'on retrouve entre autres un John Lennon rencontrant quasiment en direct Yoko Ono pour la première fois. Un sacré morceau d'anthologie donc. Que vient faire la musique de Pink Floyd là-dedans ? Elle fait l'objet de deux clips mi-archives mi-live. Le premier morceau est un Interstellar Overdrive destructuré jusqu'à atteindre les dix-sept minutes, l'autre est un bœuf jazzy intitulé Nick's Boogie. Très pauvre donc et surtout difficilement suivable. Tandis que Nick Mason tape inlassablement sa cymbale medium ride, les trois autres oublient rythme, mélodie et accords pour donner dans l'expérimental le plus pur. Il est donc difficile d'apprécier complètement la musique si vous n'êtes pas dans le même état second que Syd Barrett (tout de même, fumer du shit quand on s'appelle Barrett...). Les amoureux de High Hopes peuvent s'en aller, les accros aux deux premiers albums seront déjà plus en terrain connu.

Niveau image, ça se dégrade. On ne voit le groupe qu'un tiers du temps, et il est franchement très mal filmé. Gros plans trop serrés, cadrages bancals, Waters et Barrett filmés de dos ou du mauvais profil, sans compter les effets pourris ou une synchro parfois défaillante, rien ne nous sera épargné. Certes, quelques plans sont intéressants, surtout sur Syd, mais ils sont une minorité. Le reste du film nous montre, outre ce fameux happening et un Lennon "force tranquille", pas mal d'images du Londres de cette époque, de la contre-culture, et du sexe. Un sexe triste, froid, forcé, où le désir de choquer les puritains l'emporte largement sur l'érotisme premier, tant quasiment toutes les jeunes femmes présentées ici ont le regard vide et drogué, la chair sans âme et les gestes moribonds. Du reste, toutes les autres images sont du même acabit. D'ailleurs le DVD s'intitule Pink Floyd London, et on se rend vite compte que le vrai sujet du film, c'est Londres !

Un Londres à l'époque bouillonnant, de génie créatif autant que de rage contenue (qui exploserait 10 ans plus tard). Mais surtout un Londres laid. Oubliez les décolletés pigeonnants, les couleurs Deluxe Valentine et la bonne humeur des Austin Powers, ici tout n'est que grisaille, humeur maussade et spleen, le tout transcendé par une réalisation volontairement arty, comme pour échapper à la réalité de ce que les images ont capté. Et le spectateur, particulièrement qui comme moi n'a jamais vécu les sixties, de se demander si cette période a réellement existé. Et si ce sont là les nids des esprits contestataires et des libérations en tous genres, de comprendre mieux pourquoi notre 21 ème siècle bourgeonnant est si dénué de tout humanisme. Les années 70 ont mis un bon coup de pied au cul à cette fourmillière en nous offrant des éléments parfois très contestables, mais indéniables : explosion du cinéma américain contestataire, radicalisation du journalisme d'investigation, remise en cause des pouvoirs en place, libéralisation de la pornographie et défiance de la censure, débuts d'une prise de conscience écologique... Et puis, parce qu'elle a su évoluer comme aucune autre, transcendante, magique, éternelle : la musique des Pink Floyd.

Les bonus présents sur ce DVD sont la dernière preuve que Pink Floyd n'en est absolument pas le sujet principal. Il est d'abord à noter que Snapper n'a pas jugé bon d'inclure un seul sous-titre dans aucune langue que ce soit. Ce qui pour une sortie de cet acabit est totalement impardonnable. Vous avez donc en plus des 29 minutes originales quelques interviews d'époque, auxquelles vous risquez fort de ne rien comprendre (accent cockney, son très étouffé). Et vous n'apprendrez rien côté musique : tout est concentré sur Londres et sa métamorphose en chaudron culturel deshumanisé à la fin des sixties. Paul Whitehead revient un peu sur le pourquoi et le comment du film (la meilleure partie), Julie Christie se montre très superficielle, Michael Caine (!) débute un très intéressant point de vue sur la culture british avant que son interlocuteur ne fasse dériver le sujet (grrrrr), Mick Jagger, curieusement désynchronisé (on dirait un overdub !), nous dit qu'en gros il ne sait rien, et David Hockney veut déménager. Pas un seul rapport avec nos amis musiciens. Les verrez-vous, au moins ? Comme dit plus haut, oui, mais peu, mal, ce malgré une conservation du matériau originel assez remarquable. Les entendrez-vous ? Dans un mono vieillot mais clair, oui, et aussi dans un faux 5.1 absolument pas spatialisé mais qui donne une impression de "proximité live" assez sympathique. Détail tracassant, les interviews sont aussi disponibles dans ce 5.1, totalement inutile, et qui prend de la place alors qu'il aurait pu être avantageusement remplacé par autre chose. Je ne sais pas, des sous-titres par exemple...

On rajoute une jolie pochette, un livret laudatif, et à la rigueur on pourrait retirer Pink Floyd du titre tant ils font figure de détail. Un titre culte rallongé un peu à outrance, une jam bordélique : ce n'est pas le meilleur moyen de saluer la mémoire de Syd, et encore moins celle de Rick, qui brille nettement plus dans Pompeii, Pulse, voire les deux derniers live de David Gilmour. Même les complétistes auront mieux fait de prendre le CD de London 66-67 plutôt que ce DVD dont le principal intérêt est justement son manque d'intérêt. A réserver uniquement aux amoureux transis de Syd Barrett collectionnant chaque image d'archive, loin, très loin du grand boeuf dans les cieux que Richard Wright va pouvoir jouer à son ancien ami, tous deux réunis pour une dernière jam céleste. C'est tout ce que nous pouvons leur souhaiter. Et que les trois derniers Pinks (oh by the way, which one is Pink ?) ne soient pas pressés de les rejoindre : une jam, ca se prépare un minimum. Faut bien vingt ou trente ans pour accorder la guitare, d'accord les gars ?


19-09-2008

11 & 12 janvier 1967 - Sound Techniques Studio (Londres)


01. Interstellar overdrive
02. Nick's boogie


Syd Barrett - Guitare   
   Roger Waters - Basse
Richard Wright - Claviers, Echoplex    
   Nick Mason - Batterie, percussions