Musique onctueuse, émotion à fleur de peau, revisites réussies, documentaire fascinant, générosité, technique impeccable

Note globale


Pas de sous-titres

Editeur : A&M Records
Durée totale : 2 h 36

Image        PAL

Making-of (70 min, 16/9 5.1 non st)

Dieu que c'est bo-howoh ! Il n'y a strictement rien de spectaculaire, mais si on fait le bilan, les couleurs, la compression, les lumières, les noirs, la définition, la réalisation, tout est parfait, et c'est bien mieux que d'être spectaculaire.
Piste Dolby uniquement, mais très généreuse côté spatialisation, réverb naturelle et chaleur. Chaque instrument trouve sa place, sans déborder sur l'autre, c'est un plaisir immense.
Si vous ne saviez même pas que Sting chantait en solo, d'abord sortez de votre grotte (enfin non, restez-y, lire plus bas), et ensuite vous pouvez vous procurer cette belle séance de rattrapage. Les titres de Police ne sont peut-être pas les plus intéressants en config bossa, et encore...
Ah, quel dommage qu'il n'y ait pas de sous-titres ! Ca fait si longtemps qu'on n'a pas donné 10/10 à des bonus ! Un documentaire essentiel, simple mais qui va droit au coeur. Précieux et en prime totalement indispensable au DVD.

Top ! Je suis une expression communément utilisée par les grandes sociétés, je suis politiquement correcte, ma simple annonce suffit à rendre les gens enragés et sarcastiques, je suis, je suis ? "Pour des raisons indépendantes de notre volonté". Ah, qu'elle peut être assassine cette petite phrase ! A tel point qu'elle ne veut presque plus rien dire, que personne ne la prend au sérieux. Et pourtant, elle peut être la seule explication rationnelle. Quand un troupeau de sangliers se jette sous un TGV, quand un arbre tricentenaire se couche sur un pylone, quand le chanteur qui avait annoncé cinquante dates est un petit peu mort, les choses ne se passent plus tout à fait comme souhaité, et ce sont des raisons indépendantes de la volonté de quiconque. J'ai rarement vu un syndicat passer sept ans à apprivoiser un troupeau de sangliers pour leur apprendre la tactique Césarienne de la Tortue en synchro avec le Bordeaux/Béziers de 13h44.
Nous voilà donc revenus quelques années en arrière, au début du millénaire en fait. Sting, le brave Sting, alors toujours aussi populaire, sent qu'il a entamé la seconde moitié de sa carrière. Il décide donc de revenir sur son parcours avec une idée originale et généreuse : réenregistrer ses meilleures chansons dans une configuration semi-acoustique, avec de nombreux invités, en jazzifiant le tout. Et dans le but de sortir un album tiré des versions concoctées pendant les répétitions, puis un live à la fin des sessions. L'originalité est le cadre : ayant acheté un immense mas en Toscane, il y a fait venir les musiciens, le studio d'enregistrement, et projette d'y donner le concert, à la fraîche, devant le perron de sa baraque et en face d'un parterre d'amis et voisins. Bref, comme on aime : du décontracté cool, sans la moindre prétention. A la rigueur, la seule chose qui pouvait terrifier, c'était la capacité de Sting d'adapter ainsi son répertoire. L'édifice sonore pouvait s'écrouler, les musiciens lui jouer un sale tour, et le live aurait pu finir à la Ben.
Ce que personne, absolument personne (à part 23 gusses pas vraiment public-cible de Sting), n'aurait pu prévoir, c'est que le concert était prévu de très longue date pour le soir du 11 septembre 2001. Les sessions et répétitions se sont donc déroulées dans une bonne humeur permanente du 2 au 10, mais le concert final débute dans une ambiance parmi les plus bizarres que vous aurez l'occasion de voir sur un DVD, musical ou pas. Décidant de jouer une chanson malgré tout, et de laisser l'ambiance guider ses pas, Sting, complètement brisé, un silence de mort autour de lui, entame une chanson qui était déjà un chef-d'oeuvre avant : Fragile. L'on est immédiatement stupéfait de deux choses : la grande beauté de cette version, laissant présager du meilleur, et le fait que le concert débute sur des charbons ardents, Mr Le Sting étant à chaque phrase prêt à tout arrêter. Le concert évidemment écourté est donc un immense grand-huit d'émotions. Souvent, les musiciens et notre bô chanteur en particulier sont proches de la rupture, mais chaque fois ils se laissent emporter par la musique. Et la musique gagne à tous les coups.
Elle gagne même en beauté, car plus qu'un unplugged bâclé, All This Time présente des versions somptueuses de titres déjà bien fagotés. L'ambiance est certes un peu jazz, les réarrangements tirant souvent vers ce courant musical, mais plus encore l'on trouvera des ambiances bossa nova. Inattendu, mais chacun y excelle, et les amateurs vont se régaler devant tant de fluidité et de sensualité. La morbidité de la soirée est largement compensée par les effluves de trompette, piano et percussions qui adoucissent les chansons à l'extrême ; chaque instrument peut s'exprimer, mais c'est plus leur somme que l'on retiendra, fabriquant un tapis suave de mélodies géniales. Il y a du Joe Jackson dans cette façon de maîtriser la musique dans le moindre détail l'air de ne pas y toucher. Bossa ou jazz, chaque titre a été bien pensé ("senti" serait plus exact). Et alors qu'on ne l'attendait pas, le titre Roxanne, pourtant usé jusqu'à la corde, se permet de mélanger les deux dans un réjouissant foutoir qui a réussit à dérider jusqu'à Sting (qui se permet une jolie boutade : "Roxanne, pas la peine de prendre des clients ce soir... ben n'empêche qu'elle l'a fait !"). Le nombre impressionnant de bonnes chansons ajouté à l'émotion palpable fait de ce concert sans aucun doute un des meilleurs dans le genre, et des plus iconoclastes.
Secondaire devant les évènements, mais promordial au vu de la réussite artistique, l'écrin se montre à la hauteur de toutes les attentes. L'image a été visiblement soignée, aucune caméra n'est déplacée, le montage est lent, sobre, les couleurs et lumières sont magnifiquement captées. On pourrait regretter qu'il y ait peu de plans sur les mains, mais comme disait Jarre, le plus important était dans les regards. Surtout un 11 septembre 2001. Que dire donc sinon que l'on se sent bien, juste bien, et mieux, on se sent comme chez soi. Et comme c'est chez Sting, on jurerait être un de ses invités. Le son partait mal : il n'y a qu'une seule piste, c'est du Dolby, et c'est 5.1 imposé. Déjà par un miracle divin (ou un énorme truchement de mes installations) l'écoute en stéréo ne souffre pas de mauvaises balances ou de baisses de volume inopinées. Mais en prime de se sentir chez soi, on va l'entendre aussi : l'immersion est parfaite. Les musiciens étant nombreux mais sobres, c'était l'occasion idéale de spatialiser un peu tout sans faire du sensationnalisme mais en homogénéisant le groupe : pari ô combien réussi, c'est un mixage d'une chaleur et d'une précision spatiale délicieuses, captant chaque mouvement de main, chaque programmation de synthé, chaque applaudissement timide. Vous n'aviez jamais entendu la musique de Sting aussi bien, DVD Audio de Police inclus.
Mais cette belle surprise n'aurait pas été si somptueuse si elle n'avait pas été accompagnée d'un essentiel, que dis-je ? d'un incontournable making-of. Par pitié, je vous en conjure, ne commettez pas la même erreur que votre Baker préféré (le genre d'erreur pour laquelle je suis "payé" afin que vous ne la commettiez pas), regardez D'ABORD le making-of et ENSUITE le concert. C'est essentiel. Durant aussi longtemps que le concert, ce documentaire n'est pas sous-titré, et c'est bien là son unique défaut. Car il présente les dix jours avant le concert avec un regard attachant, drôle, sincère, parfois technique et parfois humain, dans un équilibre délectable. Sting et les autres se confient, et naturellement les interviews réalisées en direct respirent la déconnade et le plaisir de jouer (les interviews rétrospectives étant, vous l'aurez deviné, moins Bisounours). Pendant 70 minutes, on voit donc des musiciens venus de tous les azimuths (Algérie, Brésil, Argentine...) jouer et rire avec un bonheur non feint. On a même droit à l'intégrale d'une magnifique chanson qui a été finalement retirée du concert - un duo avec Cheb Mami. Oui, aussi triste que ça paraisse, le pauvre a été sucré, sûrement car une langue arabe même joliment chantée aurait choqué les invités (il n'est pas le seul à y passer : Englishman in New-York a été copieusement écartée. I don't drink coffee, I take planes my dear). 70 minutes fascinantes, avec en prime trois chansons bonus tirées de la répétition générale du 10 septembre (encore moins d'invités, décontraction totale et sourires en coin).

70 minutes et 5 de rab qui finissent de hisser ce disque aux plus hautes marches du podium. Sting a non seulement eu le cran d'inclure en entier Englishman et Cheb Mami dans les bonus, mais il a aussi tenu à laisser la dernière partie du making-of, celle où lui et ses zicos ont vécu en direct la tragédie du World Trade Center. D'abord, cela permet d'assister à une mémorable réunion où Sting demande à chacun s'il se sent de continuer. Le pauvre est totalement abattu, les larmes jaillissant type Cabbage Patch Kids, et avec le recul on voit qu'il supplie presque chacun de décider l'annulation du concert, tandis que tous les autres unanimement l'épaulent et exigent de se produire. Une psychologie inversée dans toute sa splendeur. Et puis, c'est un détail mais il pourrait compter pour certains d'entre vous, c'est l'une des premières fois depuis ce funeste jour que l'on peut revoir sur un support vidéo les réactions initiales, en direct, à cette importante date de notre époque. On en aurait presque oublié que ce jour avait existé, et Sting est bien généreux de nous offrir ces quelques minutes de faiblesse. On en oublierait même que le sujet principal, c'est la musique de Sting ; et de ce côté-là, répétons inlassablement qu'au-delà d'un concert symbolique et chargé d'émotion, All This Time représente aussi un artiste fabuleux au quasi-sommet de sa gloire. Un sommet dont on espère qu'il se jouera des Boeing pendant encore longtemps.


17-07-2009

11 septembre 2001 - ...Chez Sting (Toscane, Italie)


01. Fragile
02. A thousand years
03. Perfect love... gone wrong
04. All this time
05. Seven days
06. The hounds of winter
07. Don't stand so close to me
08. When we dance
09. Dienda
10. Roxanne
11. If you love somebody set them free
12. Brand new day
13. Fields of gold
14. Moon over Bourbon Street
15. Shape of my heart
16. If I ever lose my faith in you
17. Every breath you take
18. Every little thing she does is magic - Bonus
19. Fill her up - Bonus
20. Englishman in New York - Bonus


Sting - Chant, claviers, guitare   
   Dominic Miller - Guitare
Jason Rebello, Kipper, Jeff Young - Claviers, choeurs   
   Manu Katché (cocorico) - Batterie
Darryl Jones, Christian McBride - Basse   
   Marcos Suzano - Percussions
Chris Botti - Trompette   
   Jacques Morelenbaum - Violoncelle
B.J. Cole - Pedal steel guitar  
   Haoua Abdenacer - Djabuka
Clark Gayton - Trombone   
   Janice Pendarvis, Katreese Barnes - Choeurs